La petite fille la plus mignonne de l'ile de Diu

Ca m'a choque d'apprendre que des attentats avaient eu lieu a Delhi... C'est un etrange sentiment quand ce genre de chose se passe a un endroit qu'on a visite il y a peu de temps. Paharganj, ou a explose la premiere bombe, est un rue tres etroite du centre de Delhi, bordee d'une multitude de petites boutiques et d'hotels bon marche. Elle est tres peuplee, entre autres de vaches et de touristes etrangers, pendant la journee. L'hotel ou j'ai dormi trois nuits se trouvait dans cette rue. Porco dio.

Arrivee au Gujarat

En Inde, meme si une cite ne possede aucune attraction touristique, il reste au traveloque le plaisir de parcourir la ville, a pied ou en rickshaw, et d’observer la vie qui foisonne dans les rues. J’en ai eu la demonstration a Ahmedabad, grande ville industrielle, glauque et bruyante. Dans tous les endroits ou j’ai penetre, la moquette sentait le moisi, la tapisserie etait dechiree et les murs etaient tous crapoitis. Les motos locales sont dotes de klaxons particulierement aigus (dont on se sert a l’indienne, c’est-a-dire tout le temps) et leurs cavaliers se cachent le visage d’un foulard pour se proteger de la poussiere et de la pollution.

Pourtant, un doux emerveilement envahit le visiteur a la vue du spectacle continu qui se joue dans les rues. Les jolies demeures aux anciennes gravures sont melees sans distinction aux constructions nouvelles. Elles sont ponctuees de cours interieures dans lesquelles poussent des arbres massifs qui hebergent souvent une statue de Ganesh a la trompe characteristique. Les enfants courent pieds nus et les clebs ronflent, les couilles a l'air. Des ouvriers saluent du haut de leur echafaudage: hellohowareyouwhatisyourname... Et puis, les vaches d'Ahmedabad ont une certaine classe: plus massives que celles du Rajasthan, noires, elles sont majestueuses avec leur enormes cornes et leur demarche de princesses. Les taureaux sont impressionants lorsqu'ils traversent le flot des vehicules en mouvement, indifferents aux rickshaws et motos qui les frolent. Sur le chemin du musee, mon trois-roues a moi croise deux elephants peinturlures. Aw, aw!!! Exotiiiiisme, que je crie a tue-tete a l'intention de l'actrice Bollywoodienne qui illumine la paroi du rickshaw. Le chauffeur se retourne et m'envoie une gifle bien placee, menacant d'en referer a l'oeil destructeur de Shiva.

Pardon, je m'emballe.

Le musee, construit par Le Corbusier, etait tres laid de l'exterieur et sentait le moisi a l'interieur. Il contenait un fatras epouvantable, sans pretension a une quelconque logique: sculptures prehistoriques, portraits de rajahs et de nababs, tableaux d'art moderne, objets de culte chretiens et juifs, photos de manifestations pour l'independance, char de carnaval en bois, collection de cerf-volants, pieces de textiles et de joaillerie et chaises realisee par l'ecole de design industriel d'Ahmedabad. A l'entree tronait une enorme statue de la reine Victoria, desesperement defiguree. Un chouette musee.

Apres cela, je me suis rendu au zoo municipal, simplement pour m'assurer que les conditions d'incarceration de ses hotes etaient aussi mauvaises que dans les zoos chinois (nb: sauf pour les pandas. Les pandas, contrairement aux autres animaux, sont toujours traites comme des petits rois dans les zoos chinois). Mes craintes etaient justifiees: cages rouilles, de taille minuscule, denuees de verdure, sombres et grises.

***

A la gare d'Ahmedabad, la police a affiche sous verre une trentaine de photos de cadavres d'hommes ages de 20-40 ans. Je suppose qu'il s'agit de personnes mortes dans la rue, de faim ou de maladie. La police cherche des parents ou amis capables d'identifier les corps. Putain, c'est glauque. Quand on est pauvre, on meurt dans l'anonymat.

***

L'etat indien du Gujarat, sis au sud du Rajasthan, touche au Pakistan a l'ouest et baigne dans la mer d'Arabie, au sud. Ici est ne le heros de l'independance de l'Inde, figure emblematique de la non-violence, le Mahatma Ghandi. Il fit d'Ahmedabad, la capitale de l'etat, son quartier general. C'est de cette ville qu'il partit pour sa "marche du sel", au bout de laquelle il fit ceremonieusement bouillir de l'eau de mer pour protester contre le monopole du sel exerce par les mechants anglais qui occupaient son pays. Il est vrai que ce grand personnage ne peut qu'inspirer l'admiration. Je vais peut-etre aller visiter la maison dans laquelle il est ne, dans un village de pecheurs sur la cote. Apres tout, en voila au moins un de juriste qui etait integre, peut-etre devrais-je en prendre de la graine, moi qui trempe dans cette profession mal famee.

***

Du point de vue touristique, le Gujarat semble plus agreable a frequenter que le Rajasthan, qui grouille de touristes sur lesquels s'acharnent, tels des vautours plongeant sur une charogne, proprietaires d'echoppes et d'auberges et arnaqueurs de tous poils. Au Gujarat, les gens sont simplement sympathiques, abordent le visiteur spontanement et sans arriere-pensees. Evidemment, moi qui suis impregne de culture suisse, j'ai encore tendance a me defier, voire a me sentir agresse, par les types qui s'asseillent a ma table, me devisagent et me demandent: "how are you" et autres banalites... "C'est quoi ce mec? Non mais t'es qui toi?". Non, ce reflexe est le mauvais... Les Indiens sont d'une gentillesse a toute epreuve, pleins d'humour, et les visiteurs etrangers eveillent leur curiosite! Meme si ils parlent un anglais rudimentaire, on est vite engages dans une chouette conversation et on se fait rapidement inviter a boire un chai ou a fumer une beedi, que ce soit dans le train, dans la rue ou a l'arret de bus. Dommage que ce soit pas comme ca chez nous, en fait.

***

Quel bonheur, la derniere fois que j'ai pris le train. Des que je fus monte, deux pretres/sadhus m'inviterent a s'asseoir aupres d'eux (les sadhus sont des ascetes hindous qui ont renonce au monde). Assis en tailleurs en face de moi, ils rayonnaient sous leurs longues barbes. L'un d'eux, qui m'a rappele un type de mon village natal, avait le rire facile et un regard illumine empreint d'un grain de folie. Il avait avec lui un beau baton de bambou que je complimentai. Il m'expliqua qu'il l'avait utilise lors de ses pelerinages dans l'Himalaya. Dans le couloir, un albinos aux cheveux roux, qui louchait de ses yeux rouges, jouait du tambour et chantait une chanson envoutante. Des singes couraient sur les rails pres du train a l'arret.

Et moi j'etais tout emerveille.

Le lion de Sasan Gir

Le lion asiatique (panthera leo persica) ne differe que tres peu de son pote africain (panthera leo leo): Il est legerement plus effile (shaggier, qu'ils disent en anglais) et sa tonsure, moins fournie, laisse depasser ses oreilles.

Dans l'antiquite, l'aire de repartition du lion asiatique s'etendait de la Grece, a l'ouest, jusqu'au Bengale a l'est. Lentement, il ete eradique de cette large aire de repartition par la chasse et par l'envahissement de son habitat par l'homme. A la fin du dix-neuvieme siecle, il etait confine a quelques maigres territoires du nord de l'Inde.

C'est dans la foret de Sasan Gir, pres de la mer d'Arabie, qu'il fut sauve et qu'il survecut, grace a un gentil nabab qui changea de camp. Aux alentours de 1870, il ne restait en effet que douze de ces paresseuses creatures (les lions asiatiques dorment quelques 20 heures par jour, ce qui est comparable a la duree du sommeil d'un paresseux d'amazonie). Le Nabab de Junagadh, dont les lions etaient les sujets (si on peut dire cela pour le roi de la jungle) et qui les avaient jusque-la pourchasses, eut un eclair de lucidite et prit les lions sous son aile. La population de lions se remit gentillement jusqu'a etre ecologiquement viable. A l'heure actuelle, 359 lions asiatiques vivent dans la foret de Sasan Gir.

L'octopus, qui est amoureux des animaux, est alle les voir pour vous.

(J'ai mis une photo d'un maharadja pour illustrer l'histoire du Nabab de Junagadh. Je ne sais pas trop quel est la difference entre un nabab et un maharadja, mais j'adore la tronche de ces anciens princes indiens, avec leurs fieres moustaches.)

1 Son Altesse pionce
2 Son Altesse se reveille
3 Son Altesse me jette un regard vaguement curieux
4 Son Altesse se rendort

Petits extraits de l'actualite indienne, tires de l'Indian Times:

Violence tribale en Assam: 107 maisons brulees par des assaillants inconnus pendant la nuit. Lundi, 37 villageois avaient deja ete assassines.

Dans un sondage organise par le journal, 68% des interroges pensent que les elections dans la province de Bihar ne seront pas "justes" (cad qu'elles seront truquees).

Dara Singh a ete condamne pour l'assassinat de Graham Staines, missionaire australien, et de ses deux fils ages de 10 et 6 ans, pour avoir incite une foule fanatique a les bruler vivants.

A Delhi, les filles se plaignent de se faire constamment tripoter, meme par les flics (surtout par les flics)... Elles ne sortent plus qu'en groupe le soir (cela confirme ce que m'ont raconte deux touristes suisses, qui ont vecu plusieurs exhibos et masturbations intempestives pendant leur sejour en inde).

Comme quoi, beaucoup de violence en Inde...

Ceci en guise d'epilogue a l'histoire de la mafia du diamant... j'ai entendu des echos de deux personnes qui se sont laisses embobines dans un deal comme celui qu'on m'a propose. L'une des deux, une touriste americaine, s'est vu demande une avance de 4'000 dollars pour que la transaction puisse aller de l'avant. Elle a remis 2'000 dollars en cash aux truands, dans un petit magasin de rue de Jaipur. Quand elle est revenu le lendemain, le magasin n'existait plus...

Un autre type, un Suisse, s'est fait sequestre pendant une semaine par de sombres escrocs de Jaipur, apres avoir accepte le marche propose.

Comme quoi la naivete est bien repartie des deux cotes de l'Atlantique, hihi. Mais quiconque a sejourne en Inde sait que les Indiens sont tres doues pour te faire croire que tu es leur ami et que tu peux avoir toute confiance en eux! Malheureusement, leur ardeur a gagner ton amitie n'a d'egale que le zele qu'ils ont a t'arnaquer...

(je ne voudrais pas convoyer l'impression que je meprise tous les indiens comme de petits escrocs... les Indiens sont extremement sympathiques, ouverts, et marrants. Mais il est vrai que dans une region touristique comme le Rajasthan, on est souvent desagreablement surpris de voir l'ami qu'on croyait s'etre fait, se muer en un commercant zele)

Je me permets de vous faire partager un passage d'un livre que je lis parce que je l'ai trouve tres comique (c'est tire de L'equilibre du monde, de Rohinton Mistry)

"Chez les Surtee, la situation etait assez particuliere. Chaque fois que le couple se querellait, Mrs. Surtee refusait de preparer le diner. Elle sortait tous les pyjamas de son mari de l'armoire et y mettait le feu, ramassant les cendres et les bouts calcines dans une assiette qu'elle lui presentait a son retour du travail."

Introduction a l'Hindouisme

Les Hindous venerent plus de 33 millions de Dieux et en creent de nouveaux chaque annee!

L'Hindouisme repose sur trois series de textes: les Vedas, les textes epiques et les Puranas. D'importants elements animistes y ont ete integres. Les plus anciens textes et l'emergence de l'Hindouisme a la suite de l'invasion aryenne en Inde (rien a voir avec Adolf) date de plus de 3000 ans.

Depuis les debuts, l'importance des differents Dieux a grandement varie. Il y a des modes, dans l'Hindouisme, qui condamnent certains membres du Pantheon aux oubliettes et en projettent d'autres sous les feux de la rampe. Ainsi, Brahma a vu son etoile baisser dans les quelques derniers milliers d'annees, tandis que des stars tels que Shiva, Vishnou, Krishna et Ganesh font un tabac au 21e siecle. Seul Agni, le Dieu du feu, semble avoir reussi a maintenir sa popularite a flot depuis l'epoque vedique.

Shiva et Vishnou font partie, avec Brahma, de la trinite hindoue.

Brahma est le Dieu createur, mais n'a que peu de temples eriges a son honneur.
Shiva, le destructeur, est reconnaissable a son troisieme oeil eur le front et aux cobras qui lui servent d'echarpe, ainsi qu'au trident qu'il tient dans la main. Le troisieme oeil de Shiva est le siege de son superpouvoir: quand il l'ouvre, tout est detruit autour de lui. Le vehicule de Shiva est Nandi, le Dieu-vache.
Vishnou, quant a lui, est le Dieu charge de combattre les mechants sur la terre. Lors de ses interventions, il apparait sous dix formes differentes. L'une de ses incarnations est Krishna, le Dieu de l'amour, bleu comme un schtroumpf. Une autre est Bouddha, qui symbolise la spiritualite et la science.

L'un des Dieux les plus en vogue du moment est Ganesh, fils de Shiva et Parvati. C'est son propre pere qui le decapita par ignorance de sa filiation. Peu fier de sa bevue, Shiva promit a sa femme de choper la tete du premier animal qu'il croiserait et de la poser sur Ganesh pour remplacer celle qu'il avait tranche. C'est ainsi que Ganesh fut affuble d'une tete d'elephant (il a eu bien de la chance, il y avait une plus haute probabilite que son papa rencontre un clebs ou un jonpi).

Personnellement, je trouve l'Hindouisme plus ludique que notre plan a nous, avec un Dieu, son fils et un pape. Ca manque de variete et de couleurs, chez nous: dans l'Hindouisme, les images des Dieux font partie integrante du culte, etant elles-meme codifiees et sacrees. Ces representations divines sont fabuleuses et flattent l'imagination.

Je ne suis pas encore devenu hindou, mais j'y songe, croyez-moi.

Comment conduire un elephant

J'ai trouve un bouquin ou il est explique dans les details comment conduire un elephant. Il ne s'agit pas de cris, de fouets ou de tirer sur des rennes. Non, rien de tout cela: en fait, un elephant fonctionne comme un appareil qui presente differents boutons pour differentes fonctions. La seule difficulte sur l'elephant est qu'il n'est pas inscrit dessus qu'est-ce qui arrive quand on presse ou.

Je m'explique: si on saisit le bout de la trompe de l'elephant, il la courbera. Si on masse un point sous ses yeux, ou sous le ventre, il se mettra a genoux et sur les coudes. Si on lui presse le genou de la patte avant, il levera une patte arriere (je sais pas laquelle). Par contre, une pression a droite au-dessus de son oeil, ou a un autre endroit sous son ventre, rendra le pachyderme furieux. Il faut faire attention de pas se planter.

Si c'est vrai tout ca, bin c'est vraiment pas difficile de devenir dompteur d'elephant. Il suffit d'apprendre par coeur les points de pression, il y en a 85.

Pourquoi les vaches sont-elles sacrees?

Les immigrants aryens qui arriverent en Inde dans l'antiquite avaient pour coutume de faire des louanges a Agni, le Dieu du feu. Pendant ces ceremonies, du beurre etait verse sur le feu pour l'aviver. Les Hindous prirent ensuite l'habitude de donner en offrande a leurs Dieux du lait et d'autres produits laitiers. Ainsi, de fil en aiguille, ils rendirent la vache elle-meme sacree (ce qui n'est pas forcement logique).

Un autre element qui causa la sanctification de la vache est le fait qu'on l'a retrouve souvent dans les images sacrees hindoues. Le vehicule personnel personnel de Shiva est le Dieu Nandi qui a forme bovine.

On appelle Jodhpur la cite bleue parce que ses habitants peignent tous leurs maisons en bleu. Ca a des raisons religieuses mais il parait que cette couleur repoussent egalement les insectes. Je vous conseille d'essayer: peignez toute votre maison en bleue, plus de moustiques!

Le palais du maharadjah dans l'enceinte de la forteresse inexpugnable de Jodhpur. La cite est la capitale du Marwar, la contree de la mort.

La table d'echecs de ces deux aficionados etait incrustee a meme le marbre du pas de la maison. Chaque case (mais surtout la case G7, evidemment) a ete errodee par les longues parties disputees au cours des siecles. Le vieux etait en mauvaise posture, malgre sa defense a la berlinoise version Edeniev (tactique de defense tres en vogue en Inde actuellement).

Des gogues suisses dans un hotel indien. Hihi, quel affront pour notre fiere industrie horlogere.

J’ai commence a lire “Stopper-le-monde” de Carlos Castaneda. D’apres Don Juan, le sorcier qui initia Castaneda, notre realite n’est qu’une description parmi beaucoup d’autres. “ Il insistait sur le fait qu’il m’apprenait comment 'voir', et non a 'regarder', et que la premiere etape pour 'voir' etait de 'stopper-le-monde' ”.

Don Juan lui parlait en espagnol. J’imagine le sorcier qui disait a son disciple: “ Parar el mundo! Tienes que parar el mundo, chico, entiendes!!” hihi

Mais ce bouquin risque d'etre passionant. Ce qui m'a titille dans la premiere page du bouquin, c'est que Castaneda mentionne le psilocybe et la datura comme le champignon et la plante qui ont aide a son "adhesion". Or ces deux etres poussent en Suisse et sont tres interessants a experimenter!

Trois gitanes a Pushkar. Elles etaient quatre, en tout, avec deux petits bebes. L'un des bebes avait de la fievre a cause d'une infection a l'oreille. Je leur ai offert deux sacs de farine...

Voyez-vous le singe qui court sur le pont, la queue dressee?

Je suis arrive dans la cite sainte de Pushkar. La ville est construite autour d'un lac sacre dans lequel les pelerins se baignent pour se purifier. L'alcool, la viande, meme les oeufs sont interdits dans toute la ville.

A Pushkar, les gens mettent une ferveur exceptionnelle aux pratiques religieuses. Mais tout cela est plein de contradiction... Le lac sacre et la multitude de temples ont donne lieu a un afflux de touristes... et a un marche florissant. Cela ne concerne pas seulement la multitude de petites boutiques qui vendent des images de Ganesh et de Shiva. Les pretres ne se genent pas pour insister lourdement pour qu'on leur donne de l'argent pour leurs services, comme je l'ai constate ce matin. Je me suis laisse entraine au bord du lac ou un soi-disant pretre brahmin m'a accapare et a commis, a l'insu de mon plein gre, des absolutions, mantras et autres voeux de bonnes fortunes et ceremoniaux symboliques. Toute ma famille a ete benie et j'ai maintenant un karma plus solide que le roc.

Mais le detachement initial du pretre de toute demande pecuniaire a vite fait place (comme je m'en doutais) a d'insistantes demandes de donations pour les 500 temples de Pushkar... Il a fait la gueule quand je lui ai file que 60 roupies (2 francs). Je ne sais pas si ce pretre s'est mis mon argent dans la poche... D'apres mon guide, les arnaqueurs-faux-pretres sont nombreux a Pushkar. Ainsi, il est impossible de savoir si celui qui vous absout jouit d'une quelconque legitimite. Il est deja derangeant de se faire entrainer a subir une ceremonie religieuse sans avoir la moindre croyance... mais il est encore plus derangeant de devoir douter de l'honnetete d'un pretre, parce qu'on ne veut pas blesser les religieux locaux ni manquer de respect aux traditions...

Evidemment, la religion a toujours ete un moyen d'extorquer des tunes a la populace et de justifier la domination d'une minorite... Cela en Inde peut-etre plus qu'ailleurs: le systeme des castes a la peau dure, depuis 3000 ans qu'il existe.

Dans la rue a Bundi. On dirait qu'elle leur appartient, cette maison, a ces singes.

Peut-etre que certains d'entre vous se sont fait du souci pour moi a cause du tremblement de terre. Mais comme je suis tres loin du Cachemire, je n'ai meme pas ressenti la secousse. En fait, j'ai appris qu'un tremblement de terre avait eu lieu il y a a peine dix minutes sur yahoo. C'est absurde mais personne ne m'en a parle et, comme la plupart des journaux sont en hindi, je n'ai pu le lire nulle part.

Dans les enormes caves du palais de Bundi, des milliers de chauve-souris passent les journees suspendues dans l'obscurite. Tous les soirs au crepuscule, elles s'envolent toutes ensemble vers les forets au-dehors de la ville. Il est impressionant de les voir voler en nuee depuis le palais jusqu'a l'horizon, ou elles ne sont plus que des points noirs parsemes dans le ciel.

Une jolie peinture murale dans les appartements de la reine de Bundi.

Cela fait maintenant quatre jours que je suis a Bundi et c'est un excellent endroit pour profiter du rythme de vie indien, plutot cool et libre de tout stress. Les gens sont extremement hospitaliers et gentils.

J'ai maintenant compris la fonction de tous les cochons qui trainent dans les rues de Bundi. Ils sont employes par la municipalite pour nettoyer la ville. Ce sont des aspirateurs ambulants qui ingurgitent tout ce qui traine dans les decharges publiques et les egouts. Les rigoles ouvertes qui bordent les rues font office de depotoirs et d'egouts et si les cochons n'etaient pas la pour eliminer la moitie des excrements et des dechets, ce systeme ne fonctionnerait pas!

Evidemment, les gracieux animaux en profitent pour se vautrer dans le caca dans les heures les plus chaudes de la journee.

Scene cruelle: hier apres-midi, deux petits pigeons-poussins ont eu le malheur de tomber de leur nid, en pleine ville, sous le nez d'un cochon qui passait par la. Il a eu vite fait de les croquer comme des pommes, ces chous petits poussins. Aujourd'hui, j'en ai meme vu deux (des cochons) qui fouillaient dans les entrailles ouvertes d'un clebs, decede peu auparavant...

Bundi

1 Mes profs de cuisine dans leurs quartiers. J'apprends peu a peu l'utilisation des epices indiennes: cardamome, safran, poivre noir et blanc, sel noir et blanc, cannelle, masala, graines de cumin et d'anis, clous de girofle, gingembre, etc. C'est passionant.

2. Cette photo n'a pas ete facile a prendre parce que les garcons se battaient entre eux pour figurer sur la photo. De plus, l'un d'entre eux me frappait avec un baton pendant que je photographiais. Quand je me suis eloigne, ils m'ont bombarde de cailloux. C'etait dans une rue tres pauvre, couvertes d'immondices et bordee par des bidonvilles.

3. Un petit garcon d'une famille (et caste) plus aisee, celle de l'hotel ou j'habite en ce moment.

Quelques images de Bundi

De haut en bas: 1 Bundi 2 Le chateau du Maharadjah qui domine la ville 3 Scene de rue nocturne. Un cochon, le groin a ras le sol, cherche de quoi becqueter, pendant que quelques Jains, tout de blanc vetus, s'entretiennent devant une boutique 4 Une chevre attachee court au piquet de l'instant

Aujourd'hui, j'ai rencontre le type avec les plus longs poils d'oreilles que j'ai jamais vu. Je conseille a toute personne qui visite le Rajasthan d'aller voir ca, ca vaut le detour. D'ailleurs, on pourrait meme faire le voyage en Inde rien que pour ca. Demandez Mister Djen a la State Bank de Bundi.

Ce qui est marrant dans le travail de bureau en Inde, c'est que les types doivent constamment mettre des machins en metal sur les feuilles de papier pour eviter qu'ils s'envolent. A cause des ventilateurs. Ce qui est moins marrant, c'est qu'ils sont d'une lenteur a tuer la mort. Deux heures pour changer trois travellers cheques.

A part ca, Bundi est une merveilleuse petite cite aux rues etroites et sinueuses, ancienne capitale d'un glorieux royaume rajpoute. Un magnifique fort en pierre rouge domine la ville. Ici encore plus qu'ailleurs, on ressent la promiscuite avec les animaux, qui semble faire partie de la culture indienne. Le peuple de la rue ne se limite pas a l'homme, a la vache et au clebs, mais se compose egalement de cochons, petits et gros, de chevres et de singes, que l'on apercoit parfois sautant de toit en toit. Interessante cohabitation: les vaches et les clebs passent leurs nuits cotes a cotes sur la place du village.

J'ai enfin touve une personne pour m'enseigner la cuisine indienne! Mon premier "cours" a lieu ce soir. Ceux qui seront invites a ma table a mon retour peuvent se rejouir.

La cuisine indienne est delicieuse. Cependant, j'avoue que j'ai un probleme cause par l'habitude alimentaire caracteristique des Indiens: ils sont vegetariens, ces cochons. Ils ne mangent pas de vaches parce qu'elles sont sacrees et pas de porcs parce qu'ils sont sales ("Pigs sleep and root in shit. They are filthy animals. I don't eat nothing that ain't got enough sense to disregard its own feces" le premier qui m'ecrit quel acteur donne cette replique et dans quel film gagne un souper indien chez moi a mon retour). Evidemment, il reste l'agneau et le poulet. Mais la plupart des restaurants indiens ne servent pas de viande. Alors j'ai de la peine a atteindre mon quota de proteines quotidien. J'ai souvent encore un ti creux quand je sors de table, et je suis pas d'humeur a chanter la celebre chansonnette: "J'ai bien mange j'ai bien bu, j'ai la peau du ventre decousue, merciiiii petiiiiiit Jesus"

C'est surement pour cela que les Indiens sont tous si maigrichons. On pourrait sans doute, en moyenne, mettre deux Indiens dans un Americain.

A propos de bouffe, j'ai constate une chose, c'est que les Indiens, malgre la pauvrete tres repandue, ont quasiment tous de tres bonnes dents. Meme les mendiants ont des sourires eclatants, et tres peu de personnes ont des dents pourries ou manquantes. Pourtant, ils ne doivent pas pouvoir se payer le dentiste. Peut-etre est-ce du au fait qu'ils sont vegetariens? Qu'ils n'ont jamais de bout de viande coinces entre les dents?

Je vous encourage a regarder les articles de la semaine passe, j'ai rajoute beaucoup de photos!!

Et n'hesitez pas a donner des commentaires. C'est facile, il suffit d'entrer un nom d'utilisateur et un mot de passe.

Pour repondre au commentaire d'un lecteur, je suis effectivement un grand fan d'Isaac le Pirate. Mais comment l'as-tu devine? Aimes-tu toi aussi, fidele lecteur, Patacrepe et Couillalere, Socrate le Demi-Chien et Philemon?

Pour repondre au commentaire d'un autre lecteur, je n'ai pas encore teste les qualites adherentes des paquets de clopes indiens... hehe mais les doigts me demangent et je vais pas tarder a faire un peu de skateboarding!

De haut en bas: un singe langour en meditation au pied d'un arbre. Des biches sambar avancant dans les marais. Un nilgai, grande antilope indienne. Et encore un singe.

Le parc national de Ranthambore

La star incontestee, le sexy beni du parc est sans contestation le tigre, dont il survit 26 specimens dans l'enceinte de Ranthambore. A mon retour de safari, le patron de mon hotel me demandait sans faute: "Any luck? Seen tiger?"

Je n'ai pas vu Mister Tiger mais j'ai vu beaucoup d'autres animaux magnifiques: des cerfs, des crocrodiles, un ptit hibou et beaucoup, beaucoup de singes.

Et puis j'ai vu un leopard! Le temps d'une seconde, et il s'est evanoui dans les hautes herbes. Le leopard est encore plus difficile a voir que le tigre parce qu'il est beacuoup plus discret et timide.

L'observatoire astronomique de Jaipur, cree par le prince Jai Singh au 18e siecle.

Rencontre avec la mafia du diamant

Le chauffeur de rickshaw m'a prevenu: "Beware of indian mafia!". Une heure plus tard, alors que j'etais occupe a photographier une vache sacree, je me suis fait aborder par un moustachu fort sympathique qui m'a entraine dans une discussion sur un quelconque sujet. Comme nous etions du cote ensoleille de la rue, il a voulu que nous traversions pour poursuivre plus a notre aise. Puis il a tente de m'attirer dans un restaurant qui se trouvait dans le coin. Je me suis alors desiste sous pretexte de vouloir continuer ma promenade seul. Il faut dire que les rues de Jaipur comme de Delhi sont infestees de types qui courent apres les touristes pour les entrainer dans des agences de voyage ou les faire monter dans leurs rickshaws. Juste avant que ce type m'aborde, j'avais mis dix minutes a me debarrasser d'un rickshawman particulierement collant.

Bref, je n'avais pas envie d'entrer dans le restaurant avec le moustachu mentionne... mais en presence de paroles telles que "a friendly talk... practice english... my friend...", il est difficile de refuser sans se paraitre rudement malpoli, envers soi-meme, je veux dire. Alors je l'ai suivi... il y avait un autre type qui semblait nous attendre dans ce restaurant tout classe, plus jeune et un brin degingande avec une moustache duveteuse et suspecte. On est reste un moment a tchatcher dans ce restaurant. Les deux types etaient dans le business du taillage de pierres precieuses. Il faut dire que Jaipur est la capitale mondiale du taillage de diamant, d'opale, de rubis et autres. Je me mefiais beaucoup de ces deux types, mais en meme temps j'avais de la peine a m'imaginer qu'ils allaient me planter un couteau entre les omoplates. Ils avaient l'air assez aises, et mes craintes n'allaient pas au-dela de me faire detrousser par de sombres gredins. Ainsi, malgre mes apprehensions, je les ai suivis dans un restaurant dont la terrasse dominait la vieille ville de Jaipur. J'en profitai pour prendre quelques photos. Tout le centre-ville est peint en rose et c'etait un tres beau panorama, au soleil couchant. C'est la que le moustachu m'a prevenu que lui et son ami ne se laissaient jamais prendre en photo car ils faisaient partie de la caste des Brahmines, la plus haute caste hindoue et ceux qui se trouvent le plus haut dans le cycle des reincarnations, le Samsara. D'apres le moustachu, une seule photo etait capable de mettre son Samsara sens-dessus-dessous. Donc pas de photo.

J'ai appris plus tard que cette histoire n'etait qu'un stratageme que les truands ont utilise pour eviter que je les photographie...

Mes nouveaux amis (ils ne se sont pas lasse de repeter les mots "friends" et "trust" au cours du repas) ont tenu a ce que nous nous voyions le lendemain pour visiter le temple aux singes de Jaipur. A ce moment-la, j'avais completement abandonne ma mefiance envers eux. Ils n'avaient vraiment pas l'air de petits truands, et comme je ne representais pas une grosse proie, avec mon look de backpacker, je ne pouvais imaginer que des gens aises veulent me detrousser...

Cependant, je ne les ai pas retrouves le lendemain mais le surlendemain. Le type degingande etait d'humeur gaillarde a l'heure du dejeuner. Pointant une attablee de touristes japonaises, il m'a demande: "Lequel de ces dauphins aimerais-tu chevaucher, mon ami?" Puis il s'est amuse a imiter les cris aigus que les jeunes filles poussaient quand il leur decouvrait son enorme membre.

Le degingande s'est avere etre le boss du moustachu. Celui-ci fut charge de m'emmener en ballade en moto jusqu'au palais d'un maharadja dechu. J'ai insiste pour porter un casque et les deux comperes ont fait le tour de la ville pour m'en denicher un. Cette devotion ne pouvait qu'etre louche, mais je me disais naivement que telle etait peut-etre reellement la mentalite indienne ou alors qu'ils travaillaient a leur karma. Haha.

Le voyage en moto au palais du maharadja a ete splendide. Il etait surtout genial d'observer la vie dans la campagne. J'ai pu prendre des beaux cliches. Le palais etait un vrai petit paradis perche sur une colline, fait tout de brique rouge, avec de jolies cours interieures ornees de plantes exotiques et une multitude de salles peintes de superbes motifs orientaux. Des occidentaux corrompus se prelassaient au bord d'une piscine, sous un soleil de plomb, defiant le fait que le premier bidonville etait a moins de cinq minutes du palais.

De retour de notre excursion, le boss nous attendait avec sa Honda. Et c'est alors qu'on est entre dans le point fort de la partie. Les types m'ont escorte dans un enorme hotel cinq etoiles, veritable chateau, entoure de vastes pelouses vertes scrupuleusement tondues (chose rare en Inde). Il semblait que ce batiment etait un ancien palais de maharadja que les Britanniques avaient requisitionne a la periode coloniale. Le boss me fit asseoir aupres de lui dans un grand salon meuble a l'anglaise. De grandes bibliotheques contenaient des volumes de Shakespeare, des encyclopedies anglaises et les oeuvres completes de Balzac et d'Edgar Allan Poe. Un portrait de Lady Di et du Prince de Galles, portant leurs dedicaces, reposait sur une commode. On m'a explique que le couple royal avait demeure dans cet hotel, dans lequel le boss (le moustachu se comportait de plus en plus comme le sbire du type degingande), avait d'ailleurs une suite reserve a ses clients pendant toute l'anne.

En utilisant les toilettes de l'hotel, j'ai medite sur le fait que le Prince Charles avait certainement pose ses fesses sur la meme lunette branlante que moi. Je suis arrive a la conclusion que cela n'avait pas la moindre signification. Enfin, je ne me doutais pas de ce que le degingande me reservait.

Quand je suis retourne dans le living-room, le boss en vint finalement aux faits.

Ses exportations de pierres etaient limitees a 18'000 euros par annee, m'expliqua-t-il. Sur le surplus, il devait payer une taxe de 260% (je ne suis pas sur d'avoir bien compris le chiffre). Selon lui, "this money doesn'nt go into the right hands". Hihi. Ca voulait dire: "Ce pognon devrait plutot tomber dans mes poches a moi." J'ai fait une mine approbatrice.

Donc, pour que cette argent tombe entre dans de bonnes mains, mes amis avaient besoin de moi. On mettrait dans un petit paquet quelques precieux diamants et d'autres pierres. Ce colis serait envoye par moi et a moi-meme, a poste restante a Sydney. On me paierait un ticket Business Classe pour Sydney. La-bas, j'irais chercher le colis en presentant mon passeport au bureau de poste et le remettrais a un complice local. Grace a mon visa de touriste, aucun impot ne serait du. Bien entendu, je pourrais, avant mon depart, passer quelques nuits dans la suite de mon "pote", dans l'hotel ou nous nous trouvions. A Sydney, je serais loge dans un hotel cinq etoiles pour quelques jours, comme il se doit. Le billet de retour etait inclu dans le prix. Et bien entendu, Sydney etait un choix arbitraire... je pouvais aussi rentrer a Zurich pour quelques jours.

J'ai explique a mon ami escroc que j'avais besoin de reflexion avant de prendre ma decision. Le soir, nous devions aller a un festival de dance hindoue ensemble. J'ai pretendu que j'allais leur donner la reponse le soir meme, mais je les ai prie de me reconduire a mon hotel pour que je puisse me reposer quelque peu avant de partir pour le festival... Je craignais que, si je refusais, les deux scarlas se mettent a insister lourdement ou pire...

Sur le chemin du retour, le degingande crut bon d'ajouter que tout cela etait totalement legal, pour la bonne raison que le colis allait etre assure a mon nom. C'est a moi que tu dis ca, a moi un juriste? Puis il a insiste pour m'emmener a sa fabrique de taillage de pierre pour que je puisse choisir un bijou pour ma dulcinee. Heureusement, j'ai pu le persuader de m'emmener a l'hotel... Avant de me laisser sortir de la voiture, le boss me fit promettre de lui donner la reponse le soir meme.

Arrive a bon port, mon premier reflexe a ete d'appeler mon pere pour lui demander conseil. Evidemment, il m'a recommande de m'eloigner le plus possible de ces types, qui "ne pouvaient etre que des escrocs". Bin ouais, c'est bien ce que je pensais, papa.

Mais je ne savais de quoi la mafia locale etait capable. Il est tres difficile d'estimer ce genre de choses quand on est en terre inconnue et qu'on ne connait personne. Je me demandais si les types auraient l'audace de venir me relancer a l'hotel, ou meme de me pousser dans leur bagnole le lendemain matin. Je me suis dit que non, mais j'ai quand meme decide de chercher un autre hotel. Comme le patron s'etonnait de me voir quitter si brusquement son auberge, dont il etait fier, je lui ai fait part de mes soucis. Il m'a alors assure que les types ne pouvaient pas me faire de mal, et surtout pas entrer dans son hotel.

Le lendemain matin, toute cette sombre histoire m'etait deja sorti de la tete. J'ai fait la rencontre d'un sympatique rickshawman portant le pseudonyme de Nana. C'etait un vieil indien aux cheveux teints en blond qui aimait bien parloter. Il etait constamment flanque d'un type qui lui ressemblait comme deux gouttes mais qui soufflait pas mot. Je chargeai Nana de m'emmener chez un barbier. En Inde, les gens se font souvent raser dans la rue. C'est une operation longue et agreable, que je compte recommencer beaucoup de fois pendant mon sejour! Tout d'abord, le barbier frotte longuement de savon la figure du client. Le visage est rase avec une lame en coupe-gorge, a l'ancienne, a deux reprises, et passe a l'aftershave et a la creme hydratante. Puis, le barbier s'attache a tailler la moustache, a degager les oreilles et a egaliser les cheveux de la nuque. Toute la pilosite est ensuite peignee delicatement, avant qu'on ne passe a la partie la plus agreable: un long massage de visage, de crane et de nuque.

Mais avant d'arriver chez le barbier, l'inevitable s'est produit. Les deux comperes, trop hativement enterres par mon esprit insouciant, ont surgi sur leur moto et se sont mis a tourner autour de mon rickshaw comme deux guepes qui bourdonnent autour d'un pot de confiture. Le degingande arborait sournoisement sa moustache duveteuse.

J'ai tente de chasser les intrus comme de vilains insectes, d'un revers de main, mais ca n'a pas marche. Lorsque je me suis arrete pres du barbier, le moustachu n'a pas tarde a se pointer pour me demander ce qu'il en etait. Je lui ai explique que je n'avais aucun desir d'etre inclu dans son commerce douteux. A mon etonnement, cela lui suffit... Neanmoins, il m'a serre la main en continuant a feindre etre mon ami le plus cher, et me dit qu'il serait toujours la pour boire un chai avec moi. Puis il s'en est alle.

Une fois le type parti, je me suis tourne vers Nana et lui ai explique toute l'histoire. Nana, tout en colere, et sous l'oeil placide de son jumeau, me dit que contre des types comme ca, il avait une methode infaillible. "I have a teacher in my rickshaw!", qu'il me dit. A teacher? Un professeur dans son taxi? Il me fit signe de le suivre jusqu'au coffre de son rickshaw, dont il sortit une longue barre de fer. "This is my teacher!"




Bundi, le 5 octobre 2005. Ce texte est dedie au petit gecko qui me regarde avec ses oeils tout ronds depuis 2 heures de temps.

La photographie a Delhi

J'ai profite de la cour interieure du Fort Rouge de Delhi, construit par le Grand Moghol, pour sortir mes boules de jonglage. En deux minutes, il y avait vingt types devant moi qui regardaient! Quand j'ai eu fini, j'ai demande a mes fans les plus fervents si je pouvais les prendre en photo. Ensuite je me suis leve pour visiter le reste du chateau, mais plein d'ados m'ont suivi pour que je les prenne en photo! Alors j'ai fait leurs portraits et ils etaient contents. Apparemment, les Indiens aiment bien se faire photographier.

Mais la photo n'est pas une mince affaire dans les rues indiennes. Mon appareil est volumineux et couteux. Je sens les regards des Indiens peser sur mon bijou quand il pend a mon cou. Alors j'ai entrepris de lui coller du scotch brun sur la figure pour qu'il se fonde mieux dans son environnement. C'est un vieux globe-trotter qui m'a donne le tuyau. Je sais pas si ca va marcher.

Tout ca pour dire que ce qui me tourmente, c'est la beaute des gens et de leurs vetements, la diversite des visages et des accoutrements. On a tout le temps envie de les photographier! Mais on a peur de les effaroucher ou de les vexer. Alors, que faire? On leur demande si on peut les photographier. Ou alors, on leur demande pas parce qu'on ose pas (surtout quand il s'agit d'un type barbu qui a l'air d'etre le grand gourou d'une religion quelconque et qui pourrait vous jeter un sort), et dans ce cas on prend pas la photo. Alternativement, on tente de zoomer a distance.

J'ai d'ailleurs appris aujourd'hui que les membres de la plus haute caste hindoue, les Brahmines, ne se font jamais photographier par crainte de ne pouvoir alors poursuivre le Samsara. Le Samsara est le cycle des naissances dans l'Hindouisme. Seuls les photos-passeport sont permises parce qu'elles sont pas trop grandes (a partir de cinq centimetres de hauteur, la photo est consideree comme contraproductive au niveau du Samsara). Cette crainte de la photo n'affecte pas les autres castes, allez savoir pourquoi.

Le Jainisme

En voila une de religion que je connaissais pas. Le Jainisme est aussi ancien que le Bouddhisme. Il prescrit l'expulsion de l'ame de tout le Karman qui est une matiere inorganique produite par nos mauvaises actions terriennes. Le but de cette expulsion est, comme vous vous en doutez, la purete totale de ladite ame par le moyen de diverses austerites. Lors de ma visite d'un temple Jain a Delhi, cette volonte de purete s'est traduite par differentes regles. Par exemple, les visiteurs ne doivent pas porter de chaussures dans le temple, se laver les mains et la bouche avant d'y entrer et se delester de tout objet fait de peau animale. D'autre part, les filles n'ont pas le droit d'entrer dans le temple si elles sont indisposees ("very importante"). Si elles entrent quand meme, ca fait peter le temple.

A l'interieur, il y avait un vieux type presque tout nu qui balayait a quatre pattes devant lui.

L'une des caracteristiques du Jainisme est que ses adeptes sont totalement vegetariens et ne font jamais de mal aux animaux, meme s'il ne s'agit que d'un miserable moucheron. D'ou l'interdiction de porter du cuir dans les temples (je ne sais pas d'ou vient l'interdiction des menstruations). D'ailleurs, les Jains ont ouvert une clinique pour oiseaux au centre de Delhi. Leurs clients sont principalement des pigeons victimes de collisions avec des ventilateurs. Eh oui, les ventilateurs de plafonds sont les ennemis mortels des pigeons delhiens.

Les seuls mammiferes admis a la Clinique des Oiseaux sont les lapinous. D'apres le medecin-chef, c'est parce qu'ils sont faciles a traiter.

La Clinique des Oiseaux aurait bien plu a un blond biologiste de ma connaissance.