29 octobre 2005

Arrivee au Gujarat

En Inde, meme si une cite ne possede aucune attraction touristique, il reste au traveloque le plaisir de parcourir la ville, a pied ou en rickshaw, et d’observer la vie qui foisonne dans les rues. J’en ai eu la demonstration a Ahmedabad, grande ville industrielle, glauque et bruyante. Dans tous les endroits ou j’ai penetre, la moquette sentait le moisi, la tapisserie etait dechiree et les murs etaient tous crapoitis. Les motos locales sont dotes de klaxons particulierement aigus (dont on se sert a l’indienne, c’est-a-dire tout le temps) et leurs cavaliers se cachent le visage d’un foulard pour se proteger de la poussiere et de la pollution.

Pourtant, un doux emerveilement envahit le visiteur a la vue du spectacle continu qui se joue dans les rues. Les jolies demeures aux anciennes gravures sont melees sans distinction aux constructions nouvelles. Elles sont ponctuees de cours interieures dans lesquelles poussent des arbres massifs qui hebergent souvent une statue de Ganesh a la trompe characteristique. Les enfants courent pieds nus et les clebs ronflent, les couilles a l'air. Des ouvriers saluent du haut de leur echafaudage: hellohowareyouwhatisyourname... Et puis, les vaches d'Ahmedabad ont une certaine classe: plus massives que celles du Rajasthan, noires, elles sont majestueuses avec leur enormes cornes et leur demarche de princesses. Les taureaux sont impressionants lorsqu'ils traversent le flot des vehicules en mouvement, indifferents aux rickshaws et motos qui les frolent. Sur le chemin du musee, mon trois-roues a moi croise deux elephants peinturlures. Aw, aw!!! Exotiiiiisme, que je crie a tue-tete a l'intention de l'actrice Bollywoodienne qui illumine la paroi du rickshaw. Le chauffeur se retourne et m'envoie une gifle bien placee, menacant d'en referer a l'oeil destructeur de Shiva.

Pardon, je m'emballe.

Le musee, construit par Le Corbusier, etait tres laid de l'exterieur et sentait le moisi a l'interieur. Il contenait un fatras epouvantable, sans pretension a une quelconque logique: sculptures prehistoriques, portraits de rajahs et de nababs, tableaux d'art moderne, objets de culte chretiens et juifs, photos de manifestations pour l'independance, char de carnaval en bois, collection de cerf-volants, pieces de textiles et de joaillerie et chaises realisee par l'ecole de design industriel d'Ahmedabad. A l'entree tronait une enorme statue de la reine Victoria, desesperement defiguree. Un chouette musee.

Apres cela, je me suis rendu au zoo municipal, simplement pour m'assurer que les conditions d'incarceration de ses hotes etaient aussi mauvaises que dans les zoos chinois (nb: sauf pour les pandas. Les pandas, contrairement aux autres animaux, sont toujours traites comme des petits rois dans les zoos chinois). Mes craintes etaient justifiees: cages rouilles, de taille minuscule, denuees de verdure, sombres et grises.


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A la gare d'Ahmedabad, la police a affiche sous verre une trentaine de photos de cadavres d'hommes ages de 20-40 ans. Je suppose qu'il s'agit de personnes mortes dans la rue, de faim ou de maladie. La police cherche des parents ou amis capables d'identifier les corps. Putain, c'est glauque. Quand on est pauvre, on meurt dans l'anonymat.
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L'etat indien du Gujarat, sis au sud du Rajasthan, touche au Pakistan a l'ouest et baigne dans la mer d'Arabie, au sud. Ici est ne le heros de l'independance de l'Inde, figure emblematique de la non-violence, le Mahatma Ghandi. Il fit d'Ahmedabad, la capitale de l'etat, son quartier general. C'est de cette ville qu'il partit pour sa "marche du sel", au bout de laquelle il fit ceremonieusement bouillir de l'eau de mer pour protester contre le monopole du sel exerce par les mechants anglais qui occupaient son pays. Il est vrai que ce grand personnage ne peut qu'inspirer l'admiration. Je vais peut-etre aller visiter la maison dans laquelle il est ne, dans un village de pecheurs sur la cote. Apres tout, en voila au moins un de juriste qui etait integre, peut-etre devrais-je en prendre de la graine, moi qui trempe dans cette profession mal famee.
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Du point de vue touristique, le Gujarat semble plus agreable a frequenter que le Rajasthan, qui grouille de touristes sur lesquels s'acharnent, tels des vautours plongeant sur une charogne, proprietaires d'echoppes et d'auberges et arnaqueurs de tous poils. Au Gujarat, les gens sont simplement sympathiques, abordent le visiteur spontanement et sans arriere-pensees. Evidemment, moi qui suis impregne de culture suisse, j'ai encore tendance a me defier, voire a me sentir agresse, par les types qui s'asseillent a ma table, me devisagent et me demandent: "how are you" et autres banalites... "C'est quoi ce mec? Non mais t'es qui toi?". Non, ce reflexe est le mauvais... Les Indiens sont d'une gentillesse a toute epreuve, pleins d'humour, et les visiteurs etrangers eveillent leur curiosite! Meme si ils parlent un anglais rudimentaire, on est vite engages dans une chouette conversation et on se fait rapidement inviter a boire un chai ou a fumer une beedi, que ce soit dans le train, dans la rue ou a l'arret de bus. Dommage que ce soit pas comme ca chez nous, en fait.
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Quel bonheur, la derniere fois que j'ai pris le train. Des que je fus monte, deux pretres/sadhus m'inviterent a s'asseoir aupres d'eux (les sadhus sont des ascetes hindous qui ont renonce au monde). Assis en tailleurs en face de moi, ils rayonnaient sous leurs longues barbes. L'un d'eux, qui m'a rappele un type de mon village natal, avait le rire facile et un regard illumine empreint d'un grain de folie. Il avait avec lui un beau baton de bambou que je complimentai. Il m'expliqua qu'il l'avait utilise lors de ses pelerinages dans l'Himalaya. Dans le couloir, un albinos aux cheveux roux, qui louchait de ses yeux rouges, jouait du tambour et chantait une chanson envoutante. Des singes couraient sur les rails pres du train a l'arret.
Et moi j'etais tout emerveille.

1 commentaire:

regnyff a dit…

hellohowareyouwhatisyourname... ces types ont-ils de la famille a Playa del Ingles ???