30 janvier 2006


Le port de Manado

Nouvel-an a Manado et autres histoires

Les dragons de Komodo sont d'affreux reptiles lezaroides qui mangent tout ce qui bouge. Ils vont jusqu'a gober des cerfs et des buffles. Ce sont d'imposants sauriens: 3 metres de long. Mais ne vous imaginez pas ces lezards galopant a travers la steppe, tels le lion poursuivant sa gazelle. Non, les varans sont plus sournois. Leur salive contient plus de 50 bacteries, dont 7 transmettent une infection mortelle au mordu. Ainsi, ils se contentent de donner un bon coup de dents a leur victime en la prenant par surprise. Quelques heures plus tard, celle-ci succombera a sa blessure et le saurien assouvira sa voracite en toute quietude.

Comme j'ai toujours ete passione par la vie sauvage, la location de ce monstre sur le globe terrestre est stockee dans un coin de mon cerveau depuis ma plus tendre enfance. A mon arrivee a Bali, un jeune neurone fut envoye a travers ma matiere grise, avec pour mission d'informer les spheres dirigeantes de ma personne de la proximite du dragon. Il fut rapidement decide, a l'unanimite des votants, qu'il etait temps d'aller jeter un coup d'eil a ces vilains reptiles. Apres les lions asiatiques a Sasan Gir et les rhinoceros a une corne en Assam, les dragons de Komodo etaient la suite logique de mes peregrinations animalieres.

En date du 28 decembre 2005, j'avais deja passer trop de temps a Kuta, Bali, a faire le con. Mon brave cerveau etait reduit a une sorte d'eponge imbibe de biere. J'achetai mon billet d'avion pour le lendemain a destination de Lombok, d'ou un bateau devait me mener jusqu'a Komodo en passant par Sumbawa et me deposer a Flores. Apres avoir achete mes billets, j'allai deguster un nasi goreng dans un resto ou il passaient King Kong. J'ai hallucine: Ils ont mis des dinosaures dans Kong Kong! Vous avez vu? Il y a une scene ou King Kong se bat contre trois T-Rex a coups de poing! Si, si, a coup de poings! C'est trop drole. Enfin bref, les T-Rex m'ont fait penser au hideux varans que j'allais bientot contempler, et je m'en fus, le coeur leger, retrouver John et Sabine pour feter mon (croyais-je, du moins) dernier soir a Bali. Sabine est fribourgeoise et c'etait (croyait-elle, du moins) itou son dernier soir. John est anglais et il n'avait pas besoin de pretexte pour boire de la Bintang (Bintang = biere locale, dois-je le rappeler).

La soiree s'est bien passee. A six heures du matin, j'ai du aider John a gagner sa couche, car il etait trop cuit pour tituber (deux semaines plus tard, il a reussi a mettre le feu a son matelas en s'endormant la clope au bec... mais c'est une autre histoire). J'en tenais une vilaine, moi aussi. Sabine, qui disposait d'un reveil et pas moi, offrit de me reveiller trois heures plus tard pour que je prenne mon avion a 11h. Vous pouvez imaginer la suite. Reveil a dix heures, mal aux cheveux, merde putain il est dix heures, foutu mon fatras dans mon sac, couru chercher un taxi, peine perdue, avion loupe. Enfin, j'aurais tort de mettre la faute sur Sabine. Un traveller doit savoir ne compter que sur lui-meme. Sabine a aussi loupe son avion, mais volontairement, elle.

Je passai l'apres-midi a jouer au billard avec John. Comme beaucoup d'anglais, John etait redoutable au billard. Je ne commencai a gagner des parties que lorsqu'il entama son troisieme litre de Bintang, ce qui reduit legerement ses performances.

Apres le billard, je decidai d'agir. C'en etait trop. Ca faisait une semaine que j'etais a Kuta a trainer comme un vaurien. Malgre mes bonnes resolutions, je n'avais surfe qu'une seule fois et j'avais manque un avion. Mon honneur de globe-trotter etait en jeu. Il fallait que je vois le reste de l'Indonesie!

Ainsi, ce soir-la, j'achetai un billet pour Manado, tout au nord des Celebes, pres des Phillipines. L'acquisition du ticket me rasserena: au Celebes, il y a de superbes sites de plongee, de gros volcans et les plus petits singes du monde. Belles perspectives. Depuis la-haut, je pourrais peut-etre m'embarquer pour les Moluques ou la Papouasie. Exotisme et aventure. Decouverte et romantisme.

Seulement, ma situation a Kuta changeait radicalement: je me retrouvais avec une nouvelle "derniere soiree a Bali" sur les bras. Il fallait feter ca. Et me revoila a l'M BAR GO avec John. Malheureusement, ce soir-la, je commis une grave erreur dans mes calculs. Je pris bien trop peu d'argent et fus rapidement a sec. Or John et moi faisions un soiree tournee: il payait une tournee, puis je payais, etc. Quand je fus a court d'argent, John ne permit pas que je me deshydrate (ca peut etre dangereux, la deshydratation). Seulement, comme il n'y avait plus que lui pour payer les cocktails, c'est lui qui decidait du laps de temps ecoule entre chaque achat. Moi dont la volonte etait serieusement entamee par l'alcool, je me retrouvai a sa merci, a la merci d'une sorte de psychopathe de l'alcool. Les araks au miel et les Cuba libre pleuvaient, je les buvais, je fus submerge.

Le lendemain, gueule de bois, embouteillages et un chauffeur a la lenteur abominable, j'ai bien cru que mon cauchemar se repetait, que cette ile de malheur ne me laisserait plus jamais m'echapper. Mais j'arrivai a temps pour le check-in et j'eus le temps de m'acheter un journal pour y lire que le gouvernement americain avait emis un rapport deplorant les conditions de securite trop laxistes, largement en-dessous des standards internationaux, de l'aeroport de Denpasar-Bali. "Saperlipopette", que je me suis dit, "l'aeroport de Denpasar-Bali, c'est celui ou tu te trouves en ce moment meme!". Pas rassurant.

Ceci, et le residu d'alcool qui bouillonnait dans mes veines, et le sentiment que je volais dans un zingue de troisieme qualite, me rendirent extremement froussard, dans les airs. Jamais ete aussi nerveux pendant un vol, que ce soir-la entre Denpasar et Manado. Entre deux sueurs froides, je trouvai pourtant le temps de lire un journal. Je me souviens qu'il y avait un article sur une meuf qui voit des couleurs quand elle ecoute de la musique et qui percoit des gouts dans sa bouche quand elle voit des couleurs... il y avait aussi l'histoire d'un type, au Mali, qui s'est administre un sort le rendant invisible et est alle devalise une banque a poil (evidemment, la lotion anti-visibilite ne marchait pas pour les habits, pas con le mec). Je me souviens plus pourquoi, mais la police a reussi a le coincer malgre l'enchantement. Dans l'avion, il y avait aussi un petit fascicule qui se trouvait a la disposition des voyageurs, et qui contenait des prieres a prononcer pour un voyage sans encombres. Il y avait une priere pour musulmans, une pour catholiques, protestants, hindous, bouddhistes. Mais j'avais quand meme pas assez peur pour renoncer a mon atheisme. Je me contentai d'emettre un timide "Om Nama Shiva" du bout des levres. Apparemment, les Dieux se satisfirent de cette maigre concession, car nous avons atterri a Manado sans encombres.

En arrivant a Manado, j'etais surexcite. Que c'est enthousiasmant d'arriver dans une ile exotique et reculee. Mais le lendemain, je fus bien decu par ma visite de la ville. Manado presente une contradiction effarante. Nichee a l'entree d'une jolie baie, entouree de jolies collines verdoyantes, Manado devrait etre une perle, l'enfant cheri de Sulawesi. Pourtant, Manado est execrable. J'ai retrouve les depotoirs qui caracterisent les villes indiennes et les odeurs qui les accompagnent. La ville est extremement bruyante, even more so on new year's eve, as you can imagine: Dans tous les coins de rue, d'enormes haut-parleurs hurlaient une musique bete et assourdissante. Soit des tubes indonesiens kitschs, soit de sots remix technos de chansons occidentales. Par exemple, j'ai entendu "Ice Ice Baby" de Vanilla Ice cinq fois. Il y avait meme un remix techno de "Stairway to Heaven"!. Incroyable.

La seconde absurdite de la ville de Manado repond au gentil sobriquet de mikrolet. Les mikrolets sont de petits minibus a six places qui offrent des transports d'un coin de la ville a l'autre. Il doit y en avoir des milliards, de ces machins. Le Lonely Planet pretend que les mikrolets de Manado, mis bout a bout, ferait 75 fois le tour de la ville. Moi, je pencherais plutot pour 327 fois la distance de la terre a la lune. La ville est prise a la gorge, etouffee par ce flot d'absurdes vehicules bleus qui force leur chemin dans ses veines. Ils empechent meme les pietons d'avancer.

Mon sejour a Manado fut egalement terni par la chambre d'hotel miserable qui m'hebergea. Non seulement elle etait petite, non seulement elle etait sale, non seulement elle se trouvait a proximite d'un des fameux hauts-parleurs dont j'ai parle plus haut (Ice Ice Baby), non seulement la fenetre etait un trou sans vitre, non seulement tout ca, mais par-dessus le marche, le mur qui separait ma couche de celle de mon voisin, pour une raison qui m'echappe, perdait son existence a cinquante centimetres au-dessous du plafond, c'est-a-dire qu'il y avait une enorme ouverture entre ma chambre et celle d'a cote qui n'etait pas ma chambre, c'est-a-dire que j'entendais et je sentais tout ce que mon voisin faisait et des fois, ce qu'il faisait, c'etait aller aux toilettes.

Malgre tout, je decidai de profiter de l'incongruite que ne manquerait pas de presenter le nouvel-an a Manado, dans les Celebes. Le 31 decembre 2005, a 23 heures, toute la ville etait occupee a allumer des feux d'artifices et a ecouter de la mauvaise musique a 3000 decibels. Apres une petite promenade, j'avisai un groupe de teenagers qui me semblaient assez branches et leur demandai de m'indiquer une disco. Ils me menerent dans une boite plutot classe, au sixieme etage d'un supermarche. Le ticket d'entree de la disco donnait droit a un paquet de clopes au clou de girofle gratuit.

Minuit fut comique. De grosses trompettes en carton et des pailles phosphorescentes, prealablement distribuees a l'assistance, se chargerent de produire une certaine agitation sonore et lumineuse dans la salle. Dans les trompettes, on soufflait, et les pailles, on les agitait. Le chanteur du groupe de rock-pop qui animait la soiree, affuble d'une sorte de parure en peau de leopard et d'une perruque afro, entonna "The Final Countdown" sous le son des trompettes. C'etait assourdissant. C'etait genial. Tout a fait ce que j'avais attendu d'un nouvel-an en Asie.
Au bar, je me suis fait aborde par une prostituee sourde et muette qui devait avoir seize ans... je l'ai revu plus tard dans les bras d'un homme d'affaires indien qui, lui, avait depasse la quarantaine. Puis je me suis fait draguer par une jeune javanaise qui avait dix-sept ans. Ensuite, je rencontrai le chanteur du groupe dans sa peau de jaguar. J'eus le malheur de lui dire que sa robe etait "sexy". Il ne percut pas l'ironie dans mes propos, et m'emmena au bar en me tenant par la main, en me faisant des sourires aguicheurs. Je dus me refugier sur la piste de danse. Le DJ jouait justement un remix techno d'une chanson de Nirvana. Je fus consterne. J'essayai d'expliquer au type qui dansait a cote de moi que le DJ etait en train de tuer Kurt Cobain une deuxieme fois. "He's killing Kurt Cobain!" Le type m'a regarde avec un grand sourire et a dit: "Yes, yes!" "NO, NO, IT'S BAD!!!" que je lui hurlai dans l'oreille. J'essayai vainement de lui faire comprendre que ce que faisait le DJ etait mal. Mais nos connaissances mutuelles d'indonesien et d'anglais ne permettaient pas de communication satisfaisante.

Le haut-parleur devant ma fenetre me reveilla en sueur a 6h30 du matin, le 1er janvier 2006. Il faisait chaud, a Manado, et je decidai de ne pas m'attarder dans ce trou a rats. J'attrapai un bus surpeuple qui me tarauda les articulations mais me deposa au pied d'un beau volcan, entoure de foret luxuriante et de plantations de manguiers, bananiers, arbres a clous de girofles. La salle de bain de mon nouveau chez-moi, de mon joli bungalow etait peuple de gentils moineaux. Les rats et les geckos se promenaient allegrement sur mon toit et mes murs. La, entoures de ces petits animaux, je pus me reposer de l'humanite hostile, et fourbir un plan pour prendre ma vengeance. Le lendemain, je suis alle escalader le volcan Lokon (voire photos) avec un type qui voulait y aller avec moi pour parler le francais, et un autre qui voulait apprendre l'anglais mais qui etait si timide qu'il a pas souffle mot de toute la journee. Apres l'excursion, on est alle mange du chien chez le type timide. Ca faisait longtemps que j'avais pas mange du chien, moi. C'est marrant, pendant qu'on mangeait, il y avait deux clebs qui nous regardait en agitant la queue.




De haut en bas:
1. Le chemin de lave qui mene a la montagne de feu Lokon, au nord de Sulawesi.
2. La porte des enfers
3. Cette petite fougere s'est egaree sur les flancs du volcan.
4. Celui-la, il est tombe de son nid juste pour avoir sa photo sur le blog.

La mante religieuse mange son partenaire sexuel apres la copulation. C'est pour ca qu'elle a une tete triangulaire comme un alien.

En Indonesie, ils ont invente les cigarettes aromatisees au cafe. Comme ca, on peut satisfaire deux dependances pour le prix d'une. Je me demande bien quel est l'hurluberlu qui a eu une idee pareille. Black Cappuccino, qu'elles s'appellent, ces clopes. Terima kasih, Kura Kuraku, for your help on the ad!

Il y en a qui fluctuent, lui ne flanche jamais. Je presente mes hommages a Roger. Il est incroyable ce mec.

30 janvier 2006, je suis maintenant a Yogyakarta, sur la belle ile de Java. L'occasion de me reposer de trois semaines plutot aventureuses a Sulawesi, de m'acheter un t-shirt de Bob l'Eponge et d'ecrire sur le blog. Pardonnez-moi les mises a jour irregulieres, mais cela est une fatalite.A Sulawesi, j'ai passe beaucoup de temps dans des endroits ou il n'y avait ni telephone, ni electricite. Le World Wide Web, malgre son nom flatteur, n'etendait pas les mailles de son filet jusqu'a moi.

"Saison des pluies" est une expression qui colle assez bien a cette periode de l'annee a Java. On a parfois la chance de garder les pieds secs le matin. Mais entre 14h et 14h15, invariablement, le deluge commence. A Yogya, le gagne-pain de certains consiste a louer des parapluies aux passants. Le type t'accompagne a travers les rues en t'abritant sous un grand parapluie.

Excusez-moi... je peux pas m'empecher de prendre des photos de troncs d'arbres.

"Quel joli petit bout d'chou!", a-t-on envie de s'exclamer. Cette jolie tarentule charmera tout visiteur de la jungle par sa grace et son elegance.



Tout petit et deja une superstar: Le tarsier, fort de ses quinze centimetres, hante les forets des Celebes.




Les ficus qui m'ont fascine dans la jungle a Tangkoko, Sulawesi.



Batuputih, pres de Manado, Sulawesi.

De haut en bas: Maisons de pecheurs flottantes (personne ne vit la-dedans). Les bebes crabes courent sur la plage, de toute la force de leurs petites pattes, pour rejoindre la mer. La plage est noire, la-bas, a cause de nombreuses eruptions volcaniques.




Apres cet intermede pipi-caca, voici un sujet plus culturel: Dieux de pierre en Indonesie.

De haut en bas: Monstre de pierre a Borobudur, Java. Bouddhas avec/sans chef a Borobudur, Java. Dieu balinais. Dieu balinais.


Permettez-moi de m'abstenir de commentaires sur cette photo...

26 janvier 2006

L'apparition de l'homme: Un concombre peut en cacher un autre

Je publie ici une theorie emise par un ami biologiste concernant l'evolution de l'etre humain. Cette theorie, qui frappe par son audace et sa rigueur scientifique, est sans aucun doute en avance sur son temps. Personnellement, je ne doute pas qu'elle sera accueillie avec un grand scepticisme par la communaute scientifique. C'est pour cette raison, ainsi que par respect pour mon ami, que l'anonymat sera preserve sur l'identite de l'auteur.

Si je publie ces lignes, c'est que moi qui ai a ma disposition, sous la forme de ce site de voyage, d'un extraordinaire outil de propagation, je tiens a contribuer a ce qui pourrait signifier une revolution dans notre vision de notre lointain passe. Je suis persuade que la recherche scientifique n'avance que lorsque de jeunes genies aux dents longues ont le courage de briser les conventions.

Ladite these, que mon ami a certes du developpe au cours de longues nuits de reflexion, m'a ete revelee lorsque je lui ai raconte l'anecdote suivante. Lorsque je fis mon cours de plongee dans les Iles Togeans, a Sulawesi, mon instructeur etait un biologiste marin extremement verse dans les details de la vie marine. Lors d'une mes plongees, il me fit m'approcher d'un long concombre de mer qui gisait sur le sable. Soudain, il empoigna le concombre a pleine main et le secoua vigoureusement. A ma grande surprise, de longs filaments blancs jaillirent d'une des extremites de l'animal, pourtant repute pour sa passivite.

Je laisse maintenant la parole a mon ami biologiste, qui, dans sa missive, m'a expose ses pensees dans les termes suivants:

" Salut pirate des Mers orientales,

Ta description du concombre de mer secoué par ton instructeur m'a fait réaliser que l'on s'est trompé sur la morphologie du male humain. En fait les geneticiens ont émis il y a plusieurs années l'hypothèse que a l'époque préhistorique il n'existait que des femmes et que l'homme n'est apparu qu'après coup comme une sorte de femme déformée. Ton anecdote avec le concombre de mer m'as fait comprendre le méchanisme qui a mené à l'apparition de l'homme: Un jour qu'il faisait très chaud dans la préhistoire, les femmes sont allé se baigner dans la mer, mais comme il faisait tres chaud les concombres de mer avaient mutés en concombres parasites. Ce jour-la plusieurs concombres se fixèrent avec leur partie postérieure sur la vulve des femmes. Ces concombres parasites avaient la faculté de se relier au circuit sanguin de leur hote et d'y injecter des hormones afin de controler le comportement de celui-ci. Le but ultime et unique des concombres etant de faire gicler leur semence. Ils transformèrent leur hote en quelque chose qui leur obeisse sans condition, en quelque chose qui leur soit totalement soumis. C'est ainsi que les concombres parasites transformèrent certaines femmes en hommes. Actuellement les concombres ne sont plus directement reconnaissables sur les hommes. C'est pour ca que les anatomistes les ont appelés penis ou phallus. On les appelle aussi bites. Il est intéressant de noter que la domination du concombre de mer parasite sur l'homme est toujour absolue et que personne ne sait a ce jour comment entraver cet esclavage. Mais il parait aussi que les Hommes se soumettent volontiers a la dictature de leur concombre.

Enfin bref, la théorie est assez en avance sur les idées scientifiques reconnues donc j'hésite a la publier. Je crois que le monde n'est pas encore pret a recevoir la connaissance ultime. "

Je me permets encore de completer cette these par une remarque linguistique: En italien, le concombre de mer est appele "catso di mare", ce qui signifie literalement "penis de mer". Sinon une preuve, cela peut etre considere comme un indice important allant dans le sens de la these de mon ami biologiste.

25 janvier 2006


La Baie de Tomini separe la longue peninsule du nord de Sulawesi du reste de l'ile. Au coeur de la baie se trouvent les Iles Togian, havre de paix peuple de pecheurs et de crocodiles marins, couvertes de jungles luxuriantes et entourees de corail grouillant de vie. Ce cliche a ete pris de l'Ile de Malenge.

Un petit type tout fier, a Tomohon, Sulawesi.

A Tomohon, il y avait une jolie lampe faite d'une multitude de petits coquillages devant mon bungalow. Un soir, alors que je jouissais d'une lecture tardive, la lampe s'est mise a faire clic-clic-shloubidoum boum. Un lezard s'y etait introduit pour profiter de la manne d'insectes savoureux attires par la lueur. Voila l'histoire de la photo.

Bali: Un autochtone en pleine meditation dans un temple hindou. La culture ancestrale balinaise est empreinte de ces pratiques meditatives, dont nous autres occidentaux, prisonniers de notre consumerisme effrene, avons sans doute beaucoup a apprendre.

J'ai toujours voulu etre moustachu
Avoir la lippe toute velue
Faire le beauf avec mes poils tout roux
Hurler sur les toits: Moustachu! Je suis moustachu!

09 janvier 2006

Anyone interested in a trip to Papua?

The fascinating tribes of the Asmat region, on the Indonesian side of the island of Papua/New Guinea, build their houses on trees up to 30 meters high. The region is almost unexplored and only accessible by boat. Therefore, a real expedition has to be organized to visit the tree-dwelling people.

I've already met two people who are interested in organizing such a trip. But as sharing the costs would make the expedition much cheaper (and more fun as well), I'm looking for more adventurous people for this crazy experience. The time to go would be the beginning of february.

Don't worry, the Papuans (almost) quit eating people some years ago...

If you're interested, please contact me at laurent_von@yahoo.com
Reve aux Gilis

Dans la belle ville de Moutier, je me trouvais dans un vieux grenier poussiereux, reminiscence du galetas de la rue Centrale qui fut le theatre de bien des aventures dans mon enfance. Tout a coup, la terre se mit a trembler. L'enorme immeuble se mit a se disloquer. J'etais a plus de 30 metres au-dessus du sol et je sautai de toit en toit sur des immeubles qui bougeaient dans tous les sens. Pour finir, je reussis a descendre dans la rue et me mis en devoir d'avertir les honnetes citoyens prevotois du drame qui les guettait: la ville allait etre detruite! Personne ne me croyait alors j'avisai un flic qui etait peut-etre le Maraldo. Je dus lui parler avec vehemence pour le persuader de l'existence du danger. Pendant que je lui parlait, Regis est arrive a cote de moi. Il avait une banane dans la main et un poil dans l'autre. Il essayait d'ouvrir sa banane avec le poil, mais ca ne marchait pas.

Suivit l'exil de toute la population prevotoise. Ca, je l'ai surement reve a cause de mon bouquin sur le genocide cambodgien, pendant lequel toute la population de Phnom Pen a ete expulsee de la ville. Apres plusieurs jours de marche, j'arrivai dans un petit village de paysans ou tout le monde me regardait avec un air hostile. Or, je savais que quatre taureaux noirs avaient ete voles a proximite du village quelques jours auparavant. Mu par une intuition mysterieuse, je me suis mis a creuser fievreusement au milieu du village. Tous les paysans me regardaient faire, la fourche a la main, sans dire un mot. Mon excavation revela, a plusieurs metres de profondeur, un enorme taureau noir. Il etait mort mais debout, au milieu de la terre. Les paysans fixaient la scene d'un regard morne et fixe.


Note du webmaster: Chers lecteurs, ne manquez pas le recit de ma visite a Tangkoko sous le titre "Petits singes et clebs arboricoles". Pour cause de problemes internetiques, ce texte a ete publie sur le blog a une date anterieure a d'autres articles qui y etaient deja apparu. Il faut donc sauter deux ou trois textes. (j'aimerais pas que vous manquiez ce texte parce que j'ai mis 3 heures a l'ecrire!).
C'est marrant, ce matin j'ai failli rester bloque sur un petit bateau au milieu de la mer. A mi-chemin entre Bunaken et Manado, le moteur s'est mis a tousser et s'est arrete. Le type l'a remis en marche, et le bateau a fait a peine quelques dizaines de metres avant de s'arreter a nouveau. Ca a continue comme ca pendant une demi-heure, puis on a meme plus entendu les bruits du moteur. La mer etait calme et tout le monde rigolait a bord. On s'est mis a observer des petites meduses qui passaient par la. Je reconnais bien la les Indonesiens, dont la notion du temps est tres flexible. Dans ce pays, il est rare de voir un type qui se depeche d'aller quelque part. D'ailleurs, c'est peut-etre la raison pour laquelle les gens ont toujours un sourire aux levres et une guitare a la main.

Moi, evidemment, je me suis mis a imaginer ce qui se passerait en cas de naufrage. C'est comme mon pote Mathieu qui, dans les zoos, passe son temps a mediter sur ce qui lui arriverait s'il tombait dans une cage ou une fosse. Je me suis demande si j'essayerais de sauver les gens qui savaient pas nager, au risque de m'epuiser. Eh oui, c'est une des contradictions de l'Indonesie: tous ces types qui vivent sur de petites iles au bord de l'eau ne savent meme pas nager. C'est pour cela que les naufrages, en Asie du Sud-Est, aboutissent inevitablement a de nombreuses morts, meme si le bateau coule en eaux calmes pres de la cote.

Enfin bref, le capitaine de notre rafiot s'est mis a bricoler sur le moteur. Apres une heure de surplace, le bateau a repris sa course initiale.

Tout ca pour joindre Bunaken, petite ile paradisique, au port de Manado, veritable depotoir. Je crois que ce port est l'endroit le plus putride et infect que j'ai vu depuis que j'ai quitte l'Inde.
En rentrant de plongee, hier apres-midi, je me suis dit: Octopus, mon ami, tu dois avoir ete beni des Dieux pour qu'il te soit donne de voir de si belles choses.

Quel bonheur d'observer tous les etres vivants etranges et fascinants du monde marin. En fait, un des grands plaisirs de la plongee est de discuter de ce qu'on a vu la-dessous, et d'essayer de mettre un nom sur les poissons. La plongee est un bon exercice de memoire. On essaye de se souvenir de la forme et des couleurs des animaux pour les reconnaitre dans les bouquins de faune marine. J'adore faire ca. Hier, ma memoire a ete mise a rude epreuve, tellement etaient nombreux les poissons du mur corallien devant l'ile de Bunaken.

Petit extrait des animaux apercus: Des tortues vertes qui broutaient. Une murene. Les murenes choisissent un creux de rocher, y glissent leur corps et le font gonfler jusqu'a qu'elles y soient bloques. Ainsi, il est impossible de sortir une murene de son trou... ne vous faites jamais mordre par une murene, elle ne vous lachera plus. Une limace de mer, minuscule animal qui prend de magnifiques couleurs, et dont l'observation fascine certains plongeurs. Un poisson-napoleon. Des poissons-trompette au long corps effile. Un ver tout plat, noir et couvert de petites taches jaune fluo, avec une ligne sur le pourtour de son corps. Il etait minuscule aussi et nageait en faisant onduler son corps. Et un gros concombre de mer... voila un animal qu'il est bizarre: son corps mou et allonge presente une sorte d'anus (qui sert aussi de bouche, je crois) a une extremite et des sortes de courtes tentacules hideuses, de l'autre. De belles etoiles de mer. Un "pufferfish", qui gonfle son corps lorsqu'il se sent menace.

Ca faisait trois semaines depuis ma derniere plongee et j'etais tout nerveux, peut-etre a cause de l'absence de mon instructeur PADI et de mon cher buddy-binome Daniel. A la premiere plongee, j'ai pompe tout mon oxygene en 20 minutes. Michael, plongeur experimente qui m'accompagnait, a pu rester sous l'eau pendant une heure, malgre le fait qu'il plongeait a une profondeur plus grande (lorsqu'on se trouve plus bas, la pression de l'eau reduit le volume de l'air, ce qui fait qu'on a besoin d'une plus grande quantite d'air pour remplir nos poumons; ainsi, plus on descend, plus l'air s'epuise rapidement). A la deuxieme plongee, j'etais plus calme et reussis a maitriser suffisamment ma respiration et ma flottabilite pour passer 40 minutes sur le corail (une flottabilite neutre permet de rester en "apesanteur" a une certaine profondeur. L'energie utilisee pour nager est ainsi reduite et on consomme moins d'air. On controle sa flottabilite en gonflant le gilet de plongee).

Avant de quitter Bunaken ce matin, j'ai encore eu la chance d'apercevoir deux bebes serpents de mer qui se balladaient pres de la plage.
J'ai decouvert ce qui me plait dans le voyage en solitaire. C'est la liberte.

Like a bird on a wire
Like a drunk in a midnight choir
I have tried in my way to be free

Leonard Cohen

Est-ce qu'il est possible d'avoir une plus grande sensation de liberte que lorsqu'on voyage seul? On fait ce qu'on veut, quand on veut. On va ou on veut. Et si un endroit nous seduit, on y reste!

06 janvier 2006

To anyone travelling in Sulawesi

1. As regards Sulawesi, the Lonely Planet guidebook to Indonesia (from 2003) is not up-to-date at all! Most prices are at least twice as high as indicated in the book.

2. Manado is a f. shithole but Hotel Celebes is a shithole in the shithole. Don't go there! It will swallow you up and spit you out as a shapeless, stinky ball of lifeless matter. Go to New Angkasa instead.

3. The Gorontalo-Togean Island boat doesn't depart twice a week anymore, but only once, starting from Gorontalo on wednesdays and from Ampana on mondays.

(let me add that I've always been happy with my LP apart from this particular place)
Les Indonesiens ont l'air beaucoup plus heureux que les Indiens... et que les Suisses aussi, en fait. C'est surement parce que les gens sont si epanouis qu'on se sent bien dans ce pays.
Petits singes et clebs arboricoles

Pour atteindre le parc national de Tangkoko, a l'extreme nord-est des Celebes, le visiteur doit d'abord emprunter une route sinueuse a travers la jungle luxuriante. J'arrivai aux abords de ladite jungle a la nuit et je decidai de faire le trajet en moto pour economiser quelques milliers de roupies. Mon chauffeur me tendit l'un de ces ridicules petits chapeaux en plastique que les indonesiens utilisent en guise de casque. En fait, c'est un chapeau playmobil en un peu plus grand. Le plastique protecteur fait environ 3 millimetres d'epaisseur. Lorsque je refusai de monter sur sa moto avec ce machin sur la tete, mon chauffeur me l'echangea simplement contre son casque qui en etait un vrai, et on se mit en route. C'est etrange, comme les gens s'en foutent de mettre leur vie en danger. Le gouvernement doit forcer les gens a pas se tuer, en quelque sorte... S'il y a pas de flicaille, les gens mettent pas de casque. En Inde, un type m'a dit que son meilleur pote s'etait fait tuer dans un accident de moto. Je lui ai demande s'il mettait un casque en moto. Sa reponse me donna l'impression qu'il n'avait pas vraiment saisi le rapport entre les mots "casque" et "accident"... "Ah, non..."

Batuputih, ca signifie "Caillou Blanc", et c'est le nom du village a l'entree du parc national. Le proprio de l'auberge mit en marche le generateur apres qu'on l'ait reveille a coups de klaxon. Il n'y a pas d'electricite a Caillou Blanc.

Le lendemain, je suis alle observer les milliers de bebes crabes qui couraient en direction de la mer sur le sable noir de la plage de Caillou Blanc. On aurait dit une nuee de spermatozoides se ruant sur une ovule gigantesque, la mer des Moluques en l'occurence.

Le soir, je partis a la decouverte de la jungle. But avoue de notre excursion: le tarsier, le plus petit primate au monde! Je comptais bien epingler ce jeune pretentieux a mon tableau de chasse photographique. Ca n'a pas manque. Les mignons petits singes, tres ponctuels, sont sortis de leur cachette au moment exact ou nous sommes arrives devant le ficus ou ils resident. Les tarsiers chassent les insectes pendant la nuit et passent leurs journees a dormir dans le creux des arbres. Leurs instruments de chasse sont redoutables. Leurs yeux sont tellement gros qu'ils ne peuvent pas les tourner dans leur orbite, ce qui les obligent de tourner la tete pour regarder autour d'eux et derriere eux (ils sont capables de tourner la tete a quasiment 360 degres). Leurs oreilles sont egalement disproportionnees et sont tissees de muscles qui leur permettent de les bouger et plisser dans tous les sens. Lorsque ces instruments de detection auditifs et visuels leur ont permis de localiser leur proie, leurs longs doigts crochus se chargent de la denicher dans sa cachette. Pour sauter d'arbre en arbre, les tarsiers disposent de longues jambes qui se detendent a la maniere de cuisses de grenouille. Malgre leur taille minuscule (15 centimetres), ils font des bonds phenomenaux de pres de trois metres, s'aggripant lestement a de minces troncs d'arbres. Enfin, le tarsier a une bouille innocente et de grands yeux etonnes qui le font ressembler a une petite peluche toute mignonne. Il est adorable, ce type.

Malheureusement, moi qui etait tout emu par la beaute de ces petits animaux, je fus quelque peu irrite par la froideur de mon guide. Depuis le debut de mon voyage et quatre parcs nationaux, j'ai remarque que les guides de parcs nationaux (et le monde en general, par extension) se divisent en deux categories: ceux qui s'emerveillent et ceux qui s'emerveillent po. Or, je ne supporte pas ceux qui s'emerveillent po. Pour moi, la nature est source de fascination et de decouverte continuelle. Mais quand on decouvre un endroit pour la premiere fois, il est horripilant de devoir le faire avec une personne qui semble indifferente a toutes ces choses. C'etait le cas de ce type-la: il me montrait les choses de facon routiniere, sans enthousiasme, un peu comme s'il bossait comme comptable dans un bureau. Au chemin du retour, il sifflotait! Je supporte pas les gens qui sifflotent (j'ai eu un coloc, celui qui faisait de l'aviron, qui sifflait tout le temps c'etait insupportable). De plus, moi j'essayais d'ecouter les bruits de la jungle, tous les p'tits hululements, chants, craquements, vibrations des insectes et oiseaux qui sont l'un des charmes d'une visite dans la foret vierge. L'un des insectes les plus bruyants, le chikara, se tient coi toute la journee et attend le coucher du soleil pour donner de la voix. C'est une sorte de reveil-matin de la jungle, destine, selon mon guide, a alerter les animaux nocturnes qui font encore la grasse mate (ou la grasse soiree plutot) dans leur creux d'arbres: les hiboux, tarsiers et autres tarentules. Le cri du chikara resonne comme une sirene a travers la jungle, pendant de longues minutes. On a de la peine a croire, en l'ecoutant, que l'auteur de ces longues vibrations soit un insecte de quelques centimetres a peine.

Mon guide, qui etait antipathique, eut neanmoins la sympathie de m'inviter a sa fete d'anniversaire qui avait lieu ce soir-la. Ils ont mis des bancs partout sur la route devant la maison du mec et ils se sont mis a chanter et a jouer. Le petit djembe que j'ai achete a Bali fit sensation et fut de suite integre a un groupe improvise comprenant une guitare, deux banjos et un instrument indefinissable qui avait la taille et la forme d'une contrebasse; on en jouait en tapant sur ses grosses cordes avec un gros baton. Tous leurs instruments etaient bricoles a la rustique dans du bois local et la musique etait superbe, en tout cas jusqu'au point ou chacun avait ingurgite un petit peu trop de cocktail biere-alcool de palme (c'est pas tres bon). Je trouvai le chemin de mon auberge a la lumiere du telephone portable achete quelques jours auparavant. Etrange nuit. Fourbi dans ma moustiquaire qui m'etouffait, j'ouvris la porte pour laisser entrer un peu d'air frais. Mais alors que je tentais de m'endormir, une chauve-souris est entree dans ma chambre et s'est mis a tournoyer bruyamment au-dessus de mon lit. Ca commence a bien faire! Quelques jours plus tot a Tomohon, un moineau effronte etait deja venu interrompre ma grasse mate par un flapiti impromptu. Il avait construit son nid dans la moustiquaire de ma fenetre.

Quand la chauve-souris a finalement deserte mes quartiers, je n'ai pas pu dormir pour autant. Depuis Asterix, je croyais naivement au mythe selon lequel les coqs sont une sorte de machine bien reglee qui reveillent fidelement les humains au lever du soleil. Si ce mythe bedeistique etait peut-etre vrai dans la Gaule antique, il ne s'applique a Caillou Blanc, le village dans la jungle. Completement deregle, qu'il etait, le coq local. Completement enroue aussi, mais ca ne l'a pas empeche de crier toutes les demi-heures, de une heure a quatre heures du matin, imite par ses collegues du village entier.

Le safari du lendemain etait programme a cinq heures du matin. En Asie, les diverses instances touristiques ont la desagreable habitude de programmer toutes les activites a des heures impossibles, de preference juste avant le lever du soleil. Cette nuit-la, en quittant la fete ou les voix des chanteurs ressemblaient de plus en plus a d'incongrus hululements alcoolises, je soupconnai que je ne serais pas celui qui aurait le plus de peine a me lever. En effet, l'homme charge de me reveiller faillit a son devoir et je me reveillai a 9h tout bredouille, me disant que les macaques noirs allaient m'echapper a coup sur. Mais mon nouveau guide (le siffloteur avait mal au cheveux, tant mieux) m'assura que ca n'avait pas d'importance, qu'il y avait pas plus d'animaux a l'aube qu'a mdi. Pourquoi ils voulaient me faire lever a 5 heures alors? Leur logique m'echappe. Mais qui a jamais pretendu que nous autres occidentaux allions un jour comprendre les Asiatiques.

Nous partimes d'un pas vif a travers les etroits sentiers menant a travers les broussailles, les palmiers et les arbres centenaires. Premiere observation: un gros papillon qui faisait du vol plane! Dans nos contrees, les papillons doivent battre constamment des ailes pour rester a flot. Ici, sous les tropiques, les papillons ont l'envergure necessaire pour se permettre de petits vols planes.

La jungle etait deja une vraie fournaise. Soufflant, couvert de sueur, je me vis bientot engage dans une bataille psychologique avec les maitres de la jungle: les insectes. De nombreuses araignees avaient tendu leurs filets au-dessus de notre sentier, dans lesquels je m'empetrais regulierement. Bien que trop imposant pour craindre de me faire enrouler dans du fil de soie arachnide, je ne pouvais m'empecher, a chaque enchevetrement, d'imaginer que la proprietaire du filet devait etre en train de se promener sur mon corps, en quete de vengeance. De plus, comme j'etais devenu un brin fan de fourmis pendant ces derniers jours (je viens de finir un bouquin sur les fourmis*), j'emmenais mon guide voir toutes les constructions myrmeceennes que nous rencontrions. Certaines fourmis indonesiennes construisent leurs nids dans les arbres, de longs tunnels de bois mache les reliant au sol, longeant le tronc de l'arbre. C'etait fascinant, mais a chaque nouvelle observation, quelques-unes de mes copines fourmis me montaient dessus et ca demangeait. Puis, je me souvins de l'avertissement du lonely planet: dans ce parc national-la, il y a des mechants moucherons qui te mordent et apres ca te pique pendant trois jours. Ca a pas loupe, j'ai commence a ressentir des demangeaisons dans les jambes. A force d'imaginer des insectes, chaque goutte de sueur qui roulait sur ma peau, sur mon cou, sur mes jambes ou mon dos, se transformait dans ma tete en un vilain six-, huit- ou mille-pattes se balladant sur mon corps. Le petit noeud de mon collier africain, qui est legerement crochu, et l'etiquette de mon t-shirt provoquaient des tracas incessants. Je me mis a passer ma main dans mon cou nerveusement toutes les trente secondes.

Heureusement, la magnifique flore de la jungle etait la pour faire diversion a mes divaguations paranoiaques. Comme c'est beau, la jungle. Les arbres les plus fascinants sont une sorte particuliere de ficus, a la couleur jaunatre, dont les enormes racines, hautes et effilees, depassent de la terre et s'etendent autour de l'arbre en serpentant et en s'entrecroisant. Une autre espece s'appuie sur un de ses congeneres pour se jeter dans les airs. Ce n'est pourtant pas une liane, mais un vrai arbre qui se colle a son arbre-support, epousant la forme de son tronc, pour ensuite jeter ses propres racines et grossir jusqu' une epaisseur plus grande encore que lui. L'enchevetrement des troncs, branches et racines des deux arbres est une vision magnifique. Mais l'arbre parasite tue inexorablement l'arbre qui le soutient.

Tout occupe que j'etais a lutter avec mes insectes imaginaires et a photographier les racines des ficus, je n'avais guere le temps de mettre le nez en l'air pour reperer des macaques. C'est mon guide qui s'occupait de cela. Bientot notre attention fut attiree par un aboiement qui venait des cimes au-dessus de nous. Mon experience terrienne me dit que cela ne pouvait etre un clebs, si haut dans les arbres. Je supputai qu'il devait s'agir des fameux macaques; en Amazonie, par exemple, les cris des singes hurleurs sont fort similaires a des aboiements. Mais un instant plus tard, mon guide me montra l'auteur des aboiements suspects, perche qu'il etait au sommet d'un machin de 30 metres: il s'agissait bien d'un chien! Certes, pour un clebs, l'individu presentait d'etranges singularites. De la taille d'un caniche, il ne disposait que d'une paire de pattes posterieures, sur lesquelles il se tenait adroitement sur sa branche. Ses pattes anterieures, elles, semblaient s'etre muees en ailes. Son cou etait tres allonge, de couleur jaune, et aboutissait sur une tete d'apparence etrange: elle etait depourvu de truffe, et, pour tout dire, de museau. En lieu et place de ces attributs pourtant typiquement canin, notre individu disposait d'une sorte de bec demesure surmonte d'une corne rouge. Le surprenant animal mettait toute son energie a aboyer a pleine voix. Mon guide m'affirma que l'animal etait en fait un volatile, nomme "hornbill" en anglais. Je n'en crus pas un mot. Je ne suis pas ne de la derniere pluie. Non, il s'agissait bien d'un chien.

Quelle belle aventure que le parc de Tangkoko. Sur le chemin du retour, on s'est arrete pour epier des chauves-souris dans leur quartiers diurnes, dans la cavite d'un arbre. Cela me donna l'occasion de me venger de l'incursion de la nuit precedente en les reveillant a coups de flash. Puis mon guide me mena a un enorme arbre, completement creux sur toute la longueur de son tronc, qui n'en etait pas vraiment, mais plutot une sorte d'enchevetrement de racines qui se lancaient dans les airs. La disposition des racines permettaient une escalade facile a l'interieur de l'arbre. Mon guide grimpa sur plus de vingt metres. Je m'arretai a une dizaine de metres d'altitude. Que c'est etrange de sejourner a l'interieur d'un arbre.

Meme le retour en moto fut quelque aventureux: un superbe serpent vert fluo se mit a ramper sur la chaussee juste alors nous deboulions en moto a pleine vitesse. Je crois qu'on a du passer a un demi-centimetre des dernieres ecailles de son museau. Dix minutes plus tard, c'est un petit clebs qui s'est mis a traverser au mauvais moment. Lui a moins eu de chance. On a meme pas eu le temps de ralentir. Ca a fait comme aux autos-tamponneuses: BOING dans le flanc du clebs. Kai, aduh, ouille! Kasihan anjing, pauvre chien!

* Saviez-vous que la population mondiale de fourmis est estimee a un milliard de milliards! En Europe, leur densite se monte a 80'000 individus par metre carre. Les fourmis ont une civilisation complexe, extremement specialisee. Ils se livrent a des guerres a grande echelle, developpant des armes perfectionnees comme les jets d'acide formique. Ils ont meme domestique d'autres insectes, les pucerons, dont ils recueillent les secretions pour se nourrir.

Note de l'octopus: le cafe internet de Manado diffuse un R'n'B absolument ignoble et en plus manque d'embranchement USB. Pour cette raison, je ne peux pas encore vous faire profiter des cliches de tarsiers et autres tarentules pris lors de mon voyage initiatique dans la jungle.

04 janvier 2006

Reve a Sulawesi

Dans la vieille maison de mes grands-parents a St-Imier, il y avait trois poupons, sortis de je-ne-sais-ou, qui piaillaient et mon feu grand-pere, qui vaquait. Soudain, ma grand-mere apparut, elle courait et elle gesticulait en hurlant: "J'ai atteint le sixieme niveau orgasmique! J'ai atteint le sixieme niveau orgasmique!"

Pardon, grand-maman, pour ce reve quelque peu blasphematoire, et paix a ton ame.

Note du blogmaster: Tous mes recits de reves sont garantis authentiques!
Visitez le blog de Sylviane et Stephane qui viennent de partir pour l'Amerique du Sud sur www.syletsteph.blogspot.com

Bon voyage a vous deux!

Jonglage et manucure

Parmi mon attirail de voyage figurent mes fideles boules de jonglage. Cinq robustes balles de couleur noire, blanche, orange, bleue et rouge. La boule rouge ressemble a une grosse tomate bien mure. Malgre cela, je n'aurais jamais suppose que mes boules puissent etre l'objet de convoitises d'un quelconque etre vivant. Certes, en Inde, j'ai rencontre un collegue jongleur qui s'etait fait chipe ses balles par un singe sur le toit de sa maison. Mais sur les plages indonesiennes, qui sont devenues l'endroit de predilection de mes jets aeriens, les primates font tous partie de la meme espece que la mienne, a la seule difference qu'ils sont parfois plus dodus ou moins poilus que moi. Le danger, pour mes boules, est venu d'une autre famille de mammiferes, plus petits et plus sournois: les rongeurs. Mes precieuses balles se sont fait grignoter par de mechantes dents bien acerees. Ca s'est passe a Kuta et a Padangbai, dans ma chambre d'hotel, alors que mes cheres boules se reposaient de leurs frasques aeriennes dans mon sac a dos. Ma boule rouge, le fleuron de ma flotte, sauvagement poignardee. Ma boule orange, la plus vive, laceree a quatre endroits differents. De leurs blessures beantes s'echappaient les graines de cereales qui leur donnent le poids et la consistence, ni trop molle, ni trop dure, necessaires a de bonnes boules de jonglage. Ce furent donc ces graines qui furent l'objet de la voracite de mon assaillant... et ce dernier ne peut avoir ete qu'un rat, ennemi hereditaire de l'homme, dont la sceleratesse n'a d'egale que l'endurance.

Quel plaisir de donner des accents dramatiques a ce petit incident. Mais sur le moment, j'etais perplexe. Je sprayai mes boules d'insecticide (je soupconnais d'abord des mites) et fermai bien mon sac a dos tous les soirs pour les proteger de nouvelles attaques. C'est qu'en Indonesie, je ne pourrai pas trouver des balles ayant la meme consistence et surtout le meme poids. Ainsi, des mon retour a Kuta, je me mis a la recherche d'un set de couture pour soigner mes boules malades. Puis j'allai a la plage pour y coudre tranquillement sur mon sarong.

Je suis pas particulierement doue en couture. Je savais meme pas comment bloquer le fil apres avoir termine les points de suture. Heureusement, le seigneur Ganesh a envoye Mama Loco se promener par la, et celle-ci s'est apercu de ma detresse. Mama Loco est une des nombreuses vieilles femmes qui arpentent la plage de Kuta pour gagner leur croute en vendant des ananas, des sarongs ou des messages. Son patronyme latin lui venait, non pas de ses talents pour la carrioca, mais de l'inscription LOCO sur son chapeau jaune. Son bizness a elle, c'etait la manucure et la pedicure. Quand je voulus la payer pour avoir repare mes balles (je ne vis pas d'inconvenients a lui deleguer ce boulot), elle refusa et me proposa une manucure. J'ai ete force d'accepter, il fallait bien que je la remercie pour le service rendu. Mes potes de Sumatra, la bande de surfeurs tatoues et chevelus avec lesquels je trainais a Kuta, se sont bien marres en me voyant me faire limer les ongles. Mais c'etait bien agreable. Apres ils etaient tout propres et tout brillants. Puis j'ai pu me remettre a jongler avec toutes mes cinq boules!

Au moment fatidique de paqueter mes affaires pour mon voyage, j'ai bien hesite a emporter mes boules, et surtout mes quilles. Elles sont bien encombrantes. Mais maintenant, je ne regrette pas d'avoir sacrifie quelques paires de chaussettes pour les avoir avec moi. L'Indonesie est un paradis pour le jongleur, avec son clement climat et ses multiples plages.

Les massues ne sont toujours pas ma tasse de the, mais je continue a faire des progres aux boules. Je travaille beaucoup aux combinaisons des differents trucs que je connais deja, a trois et a quatre boules. J'ai meme invente trois nouveaux trucs! Enfin, "invente" est une facon de parler... il y a bien sur d'autres jongleurs qui ont fait ces trucs avant moi. Mais je les ai decouvert tout seul en experimentant. C'est une source de fierte. A part ca, le jonglage a cinq boules est encore tres laborieux... Pourtant, cela fait maintenant une annee et demie que je l'entraine. C'est un veritable chemin de croix, le jonglage a cinq boules, mais je m'acharne, et petit a petit je m'approche du but. C'est extremement motivant d'apprendre quelque chose de totalement vain, et quoi de plus inutile que de savoir lancer cinq boules en l'air sans les laisser tomber!

Je me suis egalement mis dans la tete d'apprendre le mixmestre a quatre boules... Il s'agit de croiser les mains alternativement tout en continuant a jongler. A quatre boules, on doit faire passer sa main et deux boules par dessus son autre main,, puis repasser en jonglage central et passer l'autre main par-dessus, et ainsi de suite, le tout en continuant a jongler. Dans ce truc, la difficulte provient egalement du fait que le jonglage a quatre se fait de preference de l'interieur a l'exterieur; en changeant les mains de cote, l'interieur devient l'exterieur, ce qui fait qu'on doit faire tourner les boules dans l'autre sens. Oui, je sais Greg, c'est ambitieux. Mais le jongleur s'abreuve de defis! Un jongleur qui n'a plus rien a apprendre est un jongleur mort. Parmi les trucs que je voudrais apprendre figurent egalement la cascade a quatre boules et la marche du pingouin. Ce dernier truc est ainsi nomme parce que le mouvement des mains, qui rattrapent les boules sur le cote des hanches par un mouvement rotatif des poignets vers l'exterieur, fait penser a la demarche d'un pingouin. Dans la cascade a quatre boules, chaque balle est envoyee par la meme main dans les airs en decrivant un arc de cercle, pour etre rattrapee par l'autre main et reexpediee par-dessous a la main lanceuse. Ce truc demande une grande rapidite d'execution.

Porco dio, il est encore plus difficile de decrire ces trucs en bon francais que de les apprendre. Vous avez surement rien compris a mes explications.