29 avril 2006



En Inde, les plombiers dressent des serpents pour deboucher les tuyaux. Ils les introduisent dans les conduites et les serpents grignotent le bouchon jusqu'a ce que le tuyau soit libre.


J'arrive pas a decider laquelle de ces deux photos je prefere alors je mets les deux. Sur l'une, Bob a l'air d'un fantome noye dans la facade, la fille aux longs cheveux, d'une peau-rouge flottant sur le trottoir. Sur l'autre, bin, Bob est plus reel et il a des beaux cheveux rouges.

28 avril 2006





1. City Lights Bookstore, Vesuvio Cafe, Transamerica Building. 2. Un charpentier qui joue de la trompette. 3. Le village chinois. 4. Une photo trop sombre, a Little Italy.

Dans les quartiers de la bite

Dans le cafe Vesuvio, il y a un gros chat noir en bois avec les yeux qui luminent. En face du bar, une inscription en italien: "S'il vous plait, ne me cassez pas les couilles". Des photos de Kerouac en compagnie de son idole Neal Cassady. Le barman arbore la gueule de Walter Sobchak, of Big Lebowski fame, sur son t-shirt: "I dont roll on shabbas!". Le Vesuvio fut, l'espace d'une decennie, les quartiers generaux de la beat generation: Kerouac, Allen Ginsberg, Ferlinghetti ont sirote et clope ici, suivis par une myriade de petits beatniks. J'ai pris mon espresso sur la balustrade. Derriere moi, un type lisait un bouquin intitule: "Love is a dog from hell" me demande quel obscur contenu un pareil titre cachait.

A cote du Vesuvio, au-dela de Jack Kerouac Alley, la librairie City Lights, la librairie de la beat, affiche des slogans anti-guerre-en-Irak. Juste en face, Broadway aligne les strip clubs, lesquels arborent de vieillotes affiches en neon: Roaring Twenties, Hungry Club et Garden of Eden. En-dessous de Broadway se termine Chinatown; les ancetres de ses habitants ont fait passer le chemin de fer a travers les montagnes rocheuses. Au-dessus, c'est North Beach et le quartier italien ou de jolis cafes ont fait leurs nids. C'est dans ces quartiers que je gamberge. Je mange chinois mais je suis trop timide pour pratiquer mon mandarin avec les serveurs. Alors je flane en observant les vieux chinois fumer leurs clopes. Sur un terrain de basket urbain, j'ai vu une vieille chinoise s'entrainer aux arts martiaux, avec une longue epee, au ralenti. Je traine dans les cafes pour voir s'il y a des filles aux yeux verts. Dans la petite Italie de Northbeach, les cafes ont du charactere. Dans le reste de la ville, plus de la moitie des cafes sont des Starbucks. Au fonds, si Starbucks a du succes, c'est que son cafe est bon et ses sofas sont dodus... Mais on ne peut guere qualifier de positive l'uniformisation de ce type de locaux... les cafes. C'est la mort du petit commerce.

Sur les avenues qui coupent les hauteurs de San Francisco, on entend le cliquetis metallique des cables qui filent sous la chaussee, tirant des telepheriques debordant de touristes. Les rues montent et rebondissent; au loin, tout au bout, on apercoit le pont de la baie, celui qui mene a Auckland, et parfois la voile blanche d'un bateau qui deambule sur la baie.

Je suis maintenant a Montreal, comme vous pouvez le constater.

Je rentre le six mai 2006. Yo-ho-ho, et une bouteille de rum!

Pardonnez-moi si l'ordre chronogique des entrees blogiennes est tout chamboule. Fiji, San Francisco et Montreal sont tout melanges. C'est que le blogmestre est un peu depasse par ses propres evenements.
Le jour de mon depart de San Francisco, j'etais occupe a acheter un billet de metro pour l'aeroport. Dans la station, un cireur de chaussures pomponnait matinalement le cuir a un client. Celui-ci etait visiblement un homme d'affaires se preparant a une journee de labeur financier; le cireur etait un black jovial et exuberant. Il etait huit heures du matin, mais les deux types deciderent de se lancer dans un debat sur les origines de l'homme. J'etais trop eloignes des organes vocaux des deux americains pour entendre les details de leur conversation. Il y etait question d'homo sapiens et d'un detail de son evolution. Les causes de debat ne manquent pas en paleontologie humaine: a quel moment l'homme est-il devenu l'homme? Pourquoi est-ce que son cerveau s'est mis a gonfler de facon incontrolable? Comment les sous-especes anthropitheques ont-elles disparues? J'ignore laquelle de ces questions etait le sujet de cette speculation matinale. Dans tous les cas, le cireur de chaussures semblait avoir forge, de son cote, une theorie irrefutable. Il se jetait en arriere, prenant distance des pieds de son client, peut-etre pour donner plus de poids a ses paroles. Cela lui permettait de gesticuler, aussi. Il lancait ses bras en l'air en s'ecriant "Well, my theory is..." l'homme d'affaires l'interrompit plusieurs fois pour faire des commentaires ou le contredire. Mais il finit par accepter la theorie de son maitre des chaussures "I agree with you" tiens, je viens de remarquer qu'il n'y a pas de chute a cette histoire. C'etait une belle scene, voila. Apres je suis alle prendre mon avion volant.

26 avril 2006




Le cabanon de Jack London. 1. Cette horloge s'est arretee en avril 1906. 2. A cote de l'horloge, cet albatros attend son heure. 3. Le type au chapeau est un homme de circonstance.

De San Francisco, j'ai un jour traverse la baie pour aller a Auckland voir un match de sketba. La NBA, c'est un reve d'enfant a moi qui s'est realise. Beaucoup de dunks claques par des gros blacks luisants; des pom pom girls sexy, qui se tremoussent; un public bien americain, qui s'enthousiasme pour un magicien a deux balles; un breaker unijambiste.

Avant le match, je suis alle au vieux port d'Auckland, dans le bar ou Jack London, ce heros, mon heros, a bouillone avant de partir sur la grande mer et dans le grand nord. L'endroit s'appelle "Heinold's First and Last Chance Bar" en reference a la soif des marins qui appareillaient ou accostaient au port d'Auckland. Moi qui aime m'imaginer marin, je suis alle boire une biere a leur maniere. Le petit Jack London, ne a San Francisco, etudia dans ce bar pendant sa scolarite. Le boutonneux Jack London y traina pendant son adolescence. Il y rencontra les marins qui lui transmirent la soif de l'aventure. Il y fit la connaissanced'Alexander McLean, celebre pour sa cruaute, qui inspira le personnage de Wolf Larsson dans "The Sea Wolf". Jack raconta au patron du bar, Mr. Heinold, son projet de devenir ecrivain et celui-ci lui preta de l'argent pour faire les etudes qu'il abandonna apres six mois.

Le petit bar est fait tout de bois, du bois d'un vieux baleinier a bout de souffle. Il ressemble a une chou petite cabane de trappeurs. Les poutres sont sombres et grossieres. Aux murs sont epingles les dollars de soldats qui les ont laisses la, avant de partir a la guerre, pour avoir de quoi se payer une pinte lors de leur retour. Les billets qui sont toujours la sont ceux des soldats qui se sont fait engloutir par la guerre, par la mer.

Ce qui fait le charme de cette baraque, aussi, c'est qu'elle est toute tordue, gondolee, courbee comme une banane. C'est surement l'un des seuls endroits ou l'on peut encore constater les resultats du tremblement de terre de 1906. Le plancher monte et descend et le bar est tout penche. D'ailleurs, par un hasard assez extraordinaire, je me suis trouve dans le bar la veille du centenaire de la catastrophe. Le type au chapeau, celui qui est sur la photo, s'etait apparemment deguise en siecle passe pour celebrer l'evenement, et parlait seisme avec le barman. Le 18 avril 1906, a 5h12 du matin, la terre a tremble pendant 47 secondes et l'horloge de "Heinold's First and Last Chance Bar" (qui avancait un peu apparemment), s'est arretee.

Le tremblement de terre a du provoquer un vacarme hors de toutes proportions. L'ecroulement de toute une ville, ca fait du bruit. On ne s'entendait meme pas mourrir, ce jour-la. Mais d'apres les historiens, le feu qui rongea la ville apres la catastrophe fit plus de degats que le seisme lui-meme. Le gaz qui s'echappait des conduites de gaz abreuva l'incendie qui ne pouvait etre eteint parce que les conduites d'eau etaient fissurees elles aussi. L'incendie dura trois jours, sous les yeux des pompiers impuissants. Lorsqu'il fut eteint, les tetes bien-pensantes de la ville en profiterent pour proposer de, ou proposerent d'en profiter pour, expulser les Chinois de leur quartier au centre de la ville. Les Chinois les en empecherent en reconstruisant plus vite que tout le monde.

Mais au beau milieu de ce cataclysme, un episode romantique eut lieu! Deux jeunes emigrants italiens se rencontrerent sur un bateau de pecheur qui les sauva de l'incendie. Ils devinrent epoux et femme. Leur fils devint maire de la ville de San Francisco. Et leur petite-fille devint ma copine Domenica qui est maintenant en train d'ecrire un bouquin en Italie. C'est fou, elle ne m'avait jamais raconte cette histoire sur ses grands-parents, je l'ai trouvee en googlant sur le tremblement de terre!

24 avril 2006

The proper function of man is to live, not to exist. I shall not waste my days in trying to prolong them. I shall use my time.

Jack London 1876 - 1916



Le soleil se couche a Taveuni, Fiji

Les nuages, l'ocean, le soleil et la nuit se rencontrent tous les soirs au large de Taveuni pour peinturlurer l'horizon. Parfois, la pluie est aussi de la partie et dresse un rideau sombre sur un coin du ciel. On s'est assis, avec deux potes fijiens fraichement rencontres, sous la grande croix blanche de la mission catholique de Wairiki. On est reste silencieux pendant une demi-heure a contempler le ciel, sans s'apercevoir qu'on faisait un trou dans le temps. Meme a moi qui suis un miserable daltonien, les couleurs m'ont coupe le souffle.

L'ocean au large de Taveuni n'a pas toujours ete si paisible. Au milieu du dix-septieme siecle, il fut le theatre d'une fantastique bataille navale. Venues de Tonga, les forces imperialistes d'Enele Ma'afu affronterent les taveuniens a bord de leurs canoes. Apres leur victoire, ceux de Taveuni festoyerent sur les guerriers ennemis. Conformes aux traditions culinaires fijiennes, ils creuserent un enorme four a meme la terre (un lovo), dans lequel ils firent mijoter la viande fraiche des guerriers tongiens. Ainsi, apres avoir transperce leurs ennemis de la force de leurs lances, ils les dissolverent de leurs sucs digestifs.

21 avril 2006




1. Depart de Viti Levu 2. Tetu cheval 3. Une souris s'est cachee dans cette photo, la voyez-vous?

Longue journee a Vanua Levu

C’est peut-etre grace au kava que j’ai bien dormi sur le vieux cargo grec. Pas cafe, kava. Le kava , extrait de la racine de grog, est un liquide brunatre au gout legerement savonneux. On le consomme dans de petites coupes faites de noix de coco et apres on a la bouche toute engourdie. Ca pete un peu, on a un peu sommeil et on est un peu content. Ce petit sommeil et ce petit bonheur etaient traditionnellement reserves aux chefs de villages et bu dans de solennelles ceremonies. A Fiji aujourd'hui, on le boit entre potes: le kava est un liquide brunatre mais social. Malgre ses qualites apaisantes, il a ete banni dans quelques pays de l’hemisphere occidental a cause d'une etude pondue par une bande de medecins allemands. Le papier reputa le kava mauvais pour les reins et l'on l'interdit. Lorsqu’il fut constate que les sujets de l’etude etaient pour la plupart consommateurs de bien d’autres drogues, il etait deja trop tard. Cela prouve bien que la probabilite qu’une substance se fasse interdire depend davantage de son origine culturelle et de son implantation dans la tradition locale... que de ses consequences pour la sante (je ne parle pas de la vodka ni des clopes bien entendu).

Enfin ce soir-la, le 6 avril, mon bel appareil photo et moi etions enfouis au fonds de mon fidele sac a couchage butterfly H-30. Mon passeport, ma carte bancaire et mes dollars etaient a l’abri dans ma poche secrete a l'interieur de mes pantalons, ne l'ebruitez pas. Je m’assoupis l’esprit tranquille sur le metal rouille du vieux bateau, sous l’influence bienfaitrice du roulis et du kava. A 7h du matin, j’etais prêt a affronter Vanua Levu, la torride.

Les iles du Pacifique sud fascinent par leur minuscule petitesse qui n’a d’egale que l’enormite implacable des etendues qui les entourent. Sa majeste l'Ocean Pacifique couvre pres de 50 pour cent des etendues aquatiques de la planete. Dans ces conditions, les divers atolls, archipels et ilots volcaniques sont des cacas de mouche.

Cacas de mouche, certes, mais cacas de mouche dotes de merveilleux climat et de plages paradisiaques. Mais la particularite des iles Fidji reside dans leur grande diversite culturelle. Milliers sur milliers d'Indiens ont ete improbablement parachutes dans ce coin du monde (pas indiens d'Amerique, Indians from India with a funny accent). Il y a dix ans encore, la majorite des citoyens fidjiens etaient d’origine indienne. Quelques dizaines de milliers d’entre eux ont decampe après les coups d’etat et remous ethniques des quelques dernieres annees. Au cours de la turbulente histoire de la democratie fidjienne, les fidjiens de souche se sont constamment attaché a trafiquer la constitution afin d’ecarter les Indo-Fidjiens des rennes du pouvoir, en s’appuyant sur la vieille structure des chefs de villages. Jusqu'a maintenant, ca marche. L’unique premier ministre Indo-Fidjienne a ete demise de ses fonctions après quelques jours de regne ("in a bloodless coup", comme ils disent). Au niveau individuel, la discrimination est aussi directe. Les Indo-Fidjiens n’ont pas le droit d’acquerir le moindre lopin de terre. Le schema abouti de cette regle semble etre fait pour durer: les Fidjiens detiennent le pouvoir politique et immobilier, tandis que les Indo-Fidjiens possedent la quasi-totalite des petits commerces et dominent le secteur tertiaire.

Alors, d'ou ils sont tombes tous ces Indiens?

Eh bien, voyez-vous, les Anglais ont donne aux Fidjiens la manie de raser le gazon a ras du sol trois fois par semaine. Ils leur ont egalement apporte la passion du rugby. Avec tout ca, ils ont aussi apporte des Indiens, comme ils l’ont fait a Hong Kong, a Singapour et a Trinidad. Les Indiens etaient engages pour cinq ou dix ans pour travailler (et se faire maltraiter) dans les plantations de cane a sucre. Beaucoup, en particulier les membres des basses castes, qu’un meilleur statut social attirait a Fiji, sont restes. Ca s'est passe a la fin du 19e et au debut du 20e siecle. Depuis lors, presque tous les restaurants, a Fiji, servent des currys et des rotis (le roti est un petit pain plat et rond).

Arrive a Vanua Levu, je me suis amuse a faire bouillir des oeufs dans l'un des petits jaccuzzis que la nature a offert a la municipalite de Savusavu. Je dis jaccuzzi mais je ne tremperais pas mes fesses poilues dedans, au risque de les voir defigurees. A la belle epoque du cannibalisme, je soupconne que ces sources etaient utilisees pour cuire a la vapeur les guerriers ennemis.

Avec les oeufs volcaniques, j'ai bu un cafe tres fort et un surplus d'energie a chatouille mes mollets. Mon cerveau bouillonait, tout excite de decouvrir un nouveau pays plein de lagunes bleutees et de jungles mysterieuses. Je decidai de prendre l'un des jolis bus colores peuples de tetes crepues que j'avais vu devaler les pentes. Peut-etre que si j'en prenais un j'aurais la tete crepue aussi. Le chauffeur avait colle des Ganesha et des Oms partout et il y avait une poule rousse qui croassait dans un carton a cote de moi. La poule m'indiqua l'entree du parc national que je comptais visiter. J'etais un peu inquiet: le voyage a dure 45 minutes alors que le parc etait cense se trouver a 20 km de Savusavu et j'avais prevu de rentrer a pied au village. De surcroit, une fois le bus parti, je constatai que l'entree du parc etait cadenassee. Bof. Je partis a pied dans la direction d'ou j'etais venu.

A Fiji, les gens deambulent souvent sous de jolis parapluies multicolores, pour se proteger des assauts du soleil des tropiques. Moi, par principe, je suis contre les parapluies. J'etais donc perdu au milieu de la superbe jungle fidjienne, a la merci de l'astre, comme ce pauvre cheval que j'ai rencontre en chemin. Celui-la tentait de se venger de la race humaine en plantant ses quatre fers au milieu du Hibiscus Highway. Quand un pick-up approchait, il ne bronchait pas. Mais moi, j'ai ete sauve par un businessman indo-fijien qui m'a accueilli dans son minibus. Le commerce de ce type consistait a vendre des DVD aux quatre coins de l'archipel. Il vendait des films d'action pour les enfants indiens et des films cochons avec des blondes pour les papas indiens. Inevitablement, la conversation a glisse sur mon statut conjugale. Il a du me considerer un bon parti car il m'a dit "avoir une fille pour moi". A sa proposition, j'ai eclate de rire avant de realiser qu'il ne s'agissait pas d'un calembour, qu'il avait vraiment une fille pour moi. J'ai mis mon rire indecent en chandelle. Krishna (qu'il s'appelait) se proposait de me presenter sa niece, agee de 22 ans et la taille fine. Elle etait chretienne ce qui etait ideal pour moi. Je pouvais la rencontrer pour me faire une idee et en parler a mes parents ensuite. Hehe. Avec tout le tact dont je fus capable, je m'efforcai de paraitre interesse par sa proposition tout en esquivant une date precise pour la rencontre preconjugale.

Rentre a Savusavu, le jarret me picotait toujours. Un sympathique fidjien rencontre sur le chemin de la plage me proposa de l'accompagner a l'hotel de Jean-Michel Cousteau, fils du commandant. Le nom du fidjien m'echappe, Roiko ou quelque chose dans le style, pour simplifier je l'appelerai Royksopp. Nous nous mimes a tchatter tout en cheminant le long de l'ocean. Royksopp me conta que son arriere-grand-pere etait le grand chef qui a vendu Fiji aux anglais. Moi je lui racontai des histoires sur l'Inde. Il semblait absolument fascine par le fait que j'etais alle en Inde et encore plus par les histoires d'elephants. Je lui expliquai qu'en Inde, on rencontre parfois un elephant au coin d'une rue, dans les grandes villes et que les elephants sauvages attaquent parfois les villages et arretent les trains. Ca m'a d'ailleurs rappele que sur la plage a Ko Phan Ngan, le soir de la Full Moon Party, quelqu'un m'a dit qu'il y avait un elephant sur la plage, mais je ne me souviens plus si c'etait un reve ou si j'ai vu l'elephant ou si c'est la vodka qui l'a vu. Quoi qu'il en soit, tout en racontant des histoires d'elephant a Royksopp, je remarquai une mouche insolite posee sur son epaule. Les mouches ont habituellement l'insolente, agacante manie de tourner en rond autour de vous; point n'en etait le cas avec la mouche de Royksopp, qui restait paisiblement sur son epaule. Tout en discourant sur les cites indiennes, j'epiais du coin de l'oeil le curieux insecte. Il ne bougeait pas. La mouche n'a pas bronche d'un cil tout le long de la marche, pendant une heure et demie. J'avais affaire a un dompteur de mouche. L'insecte n'a disparu que lorsque Royksopp s'est fait attaque par le chien de Jean-Michel Cousteau Resort.

Cousteau Resort etait peuple de millionaires a 600 US Dollars la nuit. On a vu un gros requin qui sautait hors de l'eau.

Apres cela, j'ai rejoint la cuisine de mon auberge ou la patronne m'apprit a cuisiner le Mitchi. Ma visite au marche le matin m'avait mis sur les bras deux ingredients inconnus: le tapioca et l'ota (l'ota est un legume qui ressemble a une fougere). Avec cela, j'avais achete des coconoix. Savais meme po comment ouvrir mes coconoix. Heureusement, la patronne a debarque. Elle a rapidement pris les choses en main et j'executai le Mitchi sous ses ordres (la recette du Michti apparaitra sur le blog dans quelques jours, si Dieu le veut bien).

J'avais fait rendez-vous avec Royksopp apres souper. Le coquin en profita pour me presenter un russe du nom de Roma, dont l'occupation consistait a arpenter les lagunes pour harponner les poissons. On est alle boire un pot. Royksopp parlait si doucement que je devais agiter mes lobes auditifs devant sa bouche pour le comprendre. Quant a Roma, son accent slave etait tres fort et j'ai eu une peine enorme a comprendre l'histoire de l'ours, hormis les parties qu'il a mime. Roma etait fluet mais avait un certain talent pour imiter les gesticulations de l'ours et ses grognements. Alors qu'il chassait le lievre dans la foret, un gros ours est apparu derriere lui, sans prevenir, et s'est mis a souffler bruyamment. Presumant des intentions hostiles, Roma a mis son fusil sur l'epaule, dirigeant le canon derriere lui, et a tire dans les airs. L'ours a decampe, mais un autre omnivore est apparu en face de lui, a une cinquantaine de metres. Roma n'a pas hesite: Poum poum (Roma avait une joie evidente a imiter le poum poum de son fusil). Il a entendu har har hhar har har hhar har har hhar har har hhar har har hhar l'ours avait rendu l'ame. C'est alors que Roma entendit, a sa consternation, les miaulements des petits oursons qui pleuraient leur maman. Il est rentre a la maison tout penaud, qu'il a dit, deplorant d'avoir rendu orphelin deux oursons. J'ai essaye vainement de comprendre pourquoi il avait tire sur un ours alors qu'il chassait le lapin. Avait-il eu peur? "Il etait en face de moi, j'ai fait: Poum Poum!", a-t-il repondu a chaque fois. Le lendemain matin, Roma est alle voir le cadavre de l'ours, au milieu de la clairiere ou l'execution avait eu lieu. Les petits oursons tetaient sur le corps sans vie de leur mere.

Il etait deja quand je rentrai a l'auberge. Leslie, la fille de la patronne reussit a me persuader de l'accompagner a la boite de nuit de Savusavu. J'etais epuise mais curieux de decouvrir l'ambiance d'une disco fidjienne, rurale de surcroit, alors je la suivis. Le videur a refuse nos tongues et shorts et nous a renvoye nous changer. La fille de la patronne etait un garcon manque et mon unique paire de frocs etait a la launderette; alors elle m'a prete des pantalons avec des paillettes dessus. On est retourne a la disco, moi avec mes pantalons brillants. Le patron etait une sorte de vieux chinois desabuse. Il sucait clope sur clope, ecroule dans un coin de sa boite, cultivant ses enormes cernes. La barwoman trop maquillee avait depasse la cinquantaine mais lancait des regards aguicheurs a ses jeunes clients. Peu nombreux, qu'ils etaient, ses clients. En fait, c'etait presque vide. Leslie me presenta ses deux potes homosexuels. Le premier faisait pres de deux metres, avait une grande chevelure crepue et la gentillesse d'un mouton. Le deuxieme etait petit et soit tres bourre, soit un peu desequilibre dans sa caboche; il s'est mis a balbutier un discours desordonne ou semblait s'exprimer sa revolte contre l'envahisseur blanc et touriste. Dans les premieres phases de la conversation, je m'en sortis par quelques vagues "yes, yes" et un sourire complaisant. Mais bientot, le petit trapu insista bientot pour une participation plus active a notre conversation. Bientot il n'y eut plus d'echappatoire et je choisis la fuite. Lorsque je lui annoncai mon intention de m'en aller, le petit trapu me regarda droit dans les yeux, secoua la tete et dit: "non!". C'etait pathetique. Ensuite j'ai du convaincre Leslie et le grand type de me laisser partir. Leslie semblait connaitre la couleur des chaussettes de chaque habitant de Savusavu; elle a arrete la bagnole de flics qui passait par la pour qu'ils me conduisent a mon hotel.

En arrivant a l'hotel, je nourrissais l'illusion de passer une nuit paisible. Mais le clebs, ce clebs, avait bien prepare son coup. Toute la journee, il s'etait tenu tranquille, ronflant sous le soleil, fourbissant ses armes pour rendre ma nuit un enfer. Quelques minutes apres que je me fus etendu, il s'est mis a aboyer. Quand il s'est arrete, le coq s'est mis a chanter. Puis le clebs a pris le relais. Les deux comperes ne se sont pas fatigue de la nuit. Les autres representants des communautes canines et poulailles de Savusavu repondaient joyeusement a leurs celebrations vocales. Moi, dans mon demi-sommeil, je revassais alternativement que j'etranglais le coq ou que j'egorgeais le chien, suivant que l'un ou l'autre donnait de la voix. Pour tuer la nuit, j'ai fait plusieurs aller-retour a la cuisine pour grignoter. Il y avait la une petit souris qui se faufilait entre les petits plats (voire photo), et beaucoup de blattes. Les blattes ont le merite d'etre silencieuses, soit, mais elles n'ont pas leur pareil pour ce qui est de la laideur. Elles rampaient sur le plafond, couraient sur le carrelage, jaillissaient des armoires, filaient dans les murs par de petits trous invisibles. Il y en avait un nombre affolant, d'une taille affolante. Je n'en ai pas ecrase une seule. C'est marrant, je suis devenu comme mon cher coloc Michi qui poussent des hauts cris quand je presse une pantoufle sur une punaise. Curieusement, je rechigne maintenant a obliterer le moindre insecte, aussi insignifiant soit-il. Cela m'est venu lentement au cours de mon sejour en Inde, je crois... Les religions indiennes, en particulier le jainisme, enseignent le respect de la vie sous toutes ses formes. Peut-etre la lecture de "La vie de Pi" et de "Papillon" m'a-t-elle aussi influence... Dans ces livres, les narrateurs se font les amis de la nature en la respectant. Enfin bref, je n'ai pas aplati les blattes. Je me suis contente de lever les pieds quand elles s'approchaient un peu trop. Puis je suis retourne a ma couche pour ecouter le recital du clebs et du coq. Pas ferme l'oeil de la nuit.

20 avril 2006




Homelessness in San Francisco



San Francisco. Unite against ugly.

15 avril 2006

J'ai quitte Taveuni, ma petite ile chaude et paisible. Adieu Fiji, fini les cocotiers, je pars pour Ricainland et la pluvieuse Frisco. La fin du voyage approche... Mon avion va taper dans l'equateur, le tropique du Cancer et le 180e meridien.... Ca va pas me rajeunir: je pars de Nadi ce soir a 23h20 et j'atterris en Californie aujourd'hui a 14h, apres 10 heures de voyage. Hehe. Comme je vais vieillir trop vite, dans quelques heures ma date d'anniversaire changera. Voila un changement bienvenu. C'est tellement ennuyeux de garder la meme date de naissance toute sa vie! Qu'on se le dise: dorenavant mes bougies souffleront le 16! et non plus le 17 novembre.

11 avril 2006


Les recettes de l'Octopus: Kahlua!

Faire bouillir 12 tasses a cafe d'eau, 7 1/2 tasses de sucre et 2 1/4 tasses de cafe instantane. Laisser mijoter pendant 2 heures. Laisser refroidir et ajouter 7 1/2 tasses de vodka, 7 1/2 tasses de rum brun et 12 cuilleres a soupe d'extrait de vanille.

Bien melanger, verser dans des bouteilles. Fermer hermetiquement et conserver pendant un mois au fond d'une armoire.

Courtesy of Audrey... Visitez le cafe d'Audrey a Taveuni. Sa terrasse est l'un des meilleurs endroits au monde ou deguster un bon cafe (en dehors de l'Italie, cela s'entend).

02 avril 2006










De haut en bas. 1. Les pauvres. Les pauvres mecs. Mourir dans la boue, dans une guerre manigancee par des puissances inconnues, a l'autre bout du monde. A son retour, se faire eriger un monument ridicule portant une inscription insultante. Est-ce qu'il y a quelque chose de plus con: "Ils aimaient le devoir plus qu'ils ne craignaient la mort." J'espere seulement pour eux que c'etait pas vrai. 2. Quand on photographie un nuage, on est sur que jamais personne ne photographiera le meme! 3. Cormoranpuscule. 4. Chou arbrisseau. 5. L'oeuvre des lutins. 6-9. Les Alpes du Sud, vues d'Avalanche Peak, pres d'Arthur's Pass.

Tribulations antipodiennes

Voici la longue liste de mes petits bonheurs neozelandais, de mes petites aventures kiwis.

- La fierte d'avoir pris une belle photo de la queue d'une baleine (voir ci-dessous)

- Le bonheur d'avoir assiste a la course semi-aquatique, semi-aerienne de centaines de dauphins(voir ci-dessous).

- Admirer le vol de l'albatros. L'albatros, oiseau enorme, elegant, oublie d'agiter ses ailes et se laisse porter par les vents incessants des 40emes rugissants. Il a fait des mers autrales son royaume: il reste des annees durant sans toucher terre, planant et flottant autour du continent antarctique. Il ne se pose que pour accomplir ses devoirs conjugaux. Une fois les parades nuptiales achevees, l'albatros garde la meme partenaire pendant le reste de son existence. Et l'albatros, comme d'autres especes d'oiseaux marins, a une longue esperance de vie, jusqu'a 50 ans. Son envergure peut atteindre 3,5 metres.

- Jouir, dans une auberge nichee au coeur des Alpes du Sud, de la musique de Leonard Cohen et Neil Young, apres six mois de disette (en Asie, LC et NY n'existent pas).

- Dormir dans un dortoir avec un type qui ronflait de la meme facon que mon meilleur pote quand il est bourre.

- Le premier avril, un gang de lutins malicieux a vole mes meilleures chaussettes. Il parait que les lutins des Alpes arrondissent leurs fins de mois en vendant les chaussettes volees au marche noir. Alors j'ai du entreprendre l'ascension d'Avalanche Peak avec des chaussettes a trous (voir ci-dessus). Les six trous ne m'ont pas empeche d'atteindre le sommet le premier. Non que ce fut un exploit. Mais quand meme, Sir Edmund Hillary a ete concu dans un uterus neo-zelandais. Et puis j'ai eu le bonheur d'avoir dix minutes a moi tout seul pour admirer le panorama (voir ci-dessus aussi). J'avoue avoir glousse lorsque les randonneurs suivants sont arrives, precisement au moment ou un gros cumulonimbus enveloppait le sommet.

- Eh oui, en Nouvelle-Zelande, ils ont appele leurs montagnes les Alpes (officiellement "Alpes du Sud"). Encore une preuve du manque d'imagination des types qui, tout au long de l'histoire, ont ete charges de donner des noms aux endroits et animaux.

- Une anecdote appenzelloise. En route pour la Nouvelle-Zelande, ce type appenzellois que j'ai rencontre a Auckland s'est arrete a Melbourne pour visiter l'Australie. Evidemment, cette histoire serait plus rigolote si je vous disais que c'etait un petit paysan jamais sorti de son Appenzell (Rhodes Interieures) natal... mais je crains que ce fucirconflexet m'ecarter de la verite. Neanmoins je crois qu'il s'agissait bien de son premier voyage outre-mer. Il faisait pluie et il nuitait, ce soir-la, a Melbourne, quand notre suisse-tote est arrive. Il s'est mis en route pour chercher un endroit ou se glisser sous la couette. A peine sorti de l'aeroport, il s'est fait bombarde a coup d'oeufs frais! Le criminel ovipare a lance son attaque a bord d'une voiture qui fila sous les yeux du pauvre appenzellois, humide et desespere pendant sa premier nuit a l'autre bout du monde.

- La rencontre avec deux gros tongiens a Auckland. Ils etaient joviaux. L'un des deux avait les dents couvertes d'une sorte d'appareil argente qui scintillait de tous feux quand il souriait, et ces deux types ne faisaient que sourire, surtout apres m'avoir montre la facon neo-zelandaise de fumer du pot.

Les recettes de l'Octopus: ganja a la neo-zelandaise
On prend une canette vide en metal d'une boisson quelconque. Apres en avoir aplati un cote, on y pratique trois petits trous en un petit triangle; a cote de la surface aplatie, on perce un autre trou un peu plus grand. En tenant la surface plate a l'horizontale, on dispose un peu d'herbe parfumee sur les trois trous. Apres y avoir mis le feu, on porte a sa bouche l'embouchure de la canette. On aspire la fumee tout en bouchant et ouvrant l'arrivee d'air sur le cote, d'un doigt alerte.
A consommer chez soi ou dans la rue, en compagnie d'un pote y dispose.

Le blabla des deux tongiens portait les accents du patois hip-hop des banlieues et etait agremente d'une particularite linguistique hilarante: chaque fois qu'ils finissaient une phrase, les deux mecs haussaient la voix, a l'irlandaise, et couronnaient leur declaration d'un "iih!" melodieux. Ce "iih!" etait ajoute a la facon d'un "man", d'un "tu vois, quoi!" ou d'un "hein!".
Whassup iih? Thats pussy control iih! On my island there's only one road iih! Hihi.

- Aujourd'hui, je me suis surpris a chanter dans un tube en plastique en pataugeant au milieu de l'ocean. C'etait quelque peu absurde. Je n'ai jamais essaye de souffler dans un violoncelle, mais j'imagine qu'on doit ressentir a peu pres la meme chose. Comme c'est courant sous ces latitudes, le Pacifique etait agite et ses eaux etaient glacees, environ quinze degres. Je frissonais malgre ma combinaison et ma cagoule en neoprene. Des que je suis descendu a l'eau, les dauphins sont passes juste en-dessous de moi, a plusieurs reprises, puis se sont eloignes. Moi et mes compagnons se sommes mis a chanter a tue-tete, la tete dans l'eau, pour les faire revenir (il parlait qu'ils aiment les chansons). J'ai entonne la totalite de "La fiancee de l'eau" sans que les dauphins ne s'approchent. Puis j'ai essaye la chanson que j'avais invente dans la jungle, aux Celebes, pour attirer les singes: "Petit singe, montre-toi, sous ta forme la plus belle, petit singe, montre-toi..." Dans l'ocean, avec le tuba, ca donnait: "voli vauphin, monfre-foi, fous fa forme la plus velle...". Ca avait pas marche avec les singes et ca n'a pas mieux marche avec les dauphins. Il m'est alors venu a l'esprit que les dauphins devaient aimer les chansons de marins et j'ai entonne "c'est un fameux trois mats, hisseho...". Mais les dauphins n'etaient pas bretons. On est reste un quart d'heure a chanter dans les vagues. Quand, frigorifies, on est remonte sur le bateau, les coquins dauphins sont reapparus.

Les dauphins qui jouaient avec nos nerfs ne sont pas les memes que ceux qui figurent sur les photos en dessous (ceux-la sont des dauphins communs). Il s'agissait de dauphins d'Hector, appeles aussi cephalorinques a front blanc. Ce sont les plus petits mais aussi les plus rares des dauphins. Il en reste 7000 a l'etat sauvage, uniquement sur les cotes neo-zelandaises. Beaucoup ont peri noyes dans les filets des pecheurs (bin oui, on peut se noyer quand on est dauphin... eux aussi doivent remonter a la surface pour respirer).

Il est inutile de preciser qu'observer ces animaux dans leur habitat naturel est une experience inoubliable... Les eaux glacees du pacifique m'ont fait claque des dents pendant une demi-heure et j'ai mis deux heures a me rechauffer, mais mon bain glace fut recompense. Plusieurs fois, j'ai pu observer les dauphins passer juste au-dessous de moi, sorte d'anges des flots, eblouissants, elegants. L'un d'eux a tourne autour de moi avant de disparaitre dans le bleu. Le dauphin est sensuel, rapide, vigoureux. Il parait aimer le contact avec les hommes, meme quand ils chantent mal. Ou peut-etre est-ce de la curiosite. Ces dauphins etaient totalement sauvages, et ce sont eux qui sont venus nous trouver, au milieu de l'ocean, et non l'inverse!

Cette experience fut tres differente de la rencontre avec les dauphins de l'Amazone, que Regis et moi avons vecu en Bolivie. Je n'ai pas manque d'impressioner mes compagnons avec cette histoire lors du dolphin swim en Nouvelle-Zelande. Cette histoire comporte deux traits qui ne manquent pas de fasciner tout auditoire. Elle est quelque peu incongrue: les dauphins de l'Amazone sont roses et aveugles. Et elle fait peur, parce que la riviere ou nous avons nage etait infestee de crocodiles et de piranhas (les dauphins etaient censes nous proteger des crocodiles. Ca a bien marche, Regis n'a perdu qu'un bras).

Lors du dolphin swim, j'ai eu la chance d'observer des manchots et une otarie. Quel bonheur. L'otarie, c'est un phoque sans oreilles (externes); le manchot, c'est un pingouin qui vit dans les eaux australes. Ce qui prete a confusion, c'est que le manchot est appele penguin en anglais (le nom correct du pingouin en anglais est auk... mais "pingouin" semble etre sur le point d'eliminer ses concurrents directs, en anglais comme en francais). Le manchot que j'ai apercu dans la baie d'Akaroa etait petit et gras avec de jolis reflets bleutes: c'etait un manchot pygmee, le plus petit des manchots. Nous avons aussi observe un manchot des antipodes aux yeux jaunes. Les manchots passent leurs journees a barboter a la surface et a chasser la poissaille. Ils ne rentrent sur la terre ferme que le soir, fourbus de leur longue journee de travail.

- Il m'a ete donne d'observer toutes ces creatures, dauphins, manchots, otarie, pres d'un petit village appele Akaroa, sur la cote est de l'ile sud de la Nouvelle-Zelande. Le capitaine Cook, encore lui, a aborde ici dans la baie d'Akaroa en 1770, le temps pour trois membres de son equipage de se faire devorer par des guerriers maoris qui trainaient dans le coin a chasser le moa. Au siecle suivant, l'endroit ne fut pas colonise par des anglais, mais bien par des francais, debarques sous la conduite du capitaine Le Lievre. Depuis lors, l'anglais a mis la main sur Akaroa, bien sur, mais les habitants se sont efforces de preserver une certaine french touch. Ainsi, les rues sont des rues et non des streets et les magasins portent des noms francais aux consonnances etranges. Le vieux cimetiere est suppose avoir ete ombrage de saules pleureurs a la meme souche que les arbres qui entouraient la tombe de Napoleon a Saint-Helene (il est partout celui-la aussi).

Pour ma part, le seul francais que j'ai rencontre a Akaroa s'appelait Tom. Ce type, fort sympathique au demeurant, met un point d'honneur a garder dans sa poche a toutes heures un morceau de papier sur lequel figure le mot "QUOI". Lorsque quelqu'on prononce les mots "n'importe quoi", Tom sort son papier de sa poche, se fait tout petit et marche en canard en portant le petit papier au-dessus de sa tete. Tom, qui est biologiste marin, revenait de Nouvelle-Caledonie ou il a etudie les serpents de mer. On capture les serpents de mer en les saisissant par le bout de la queue et en remontant le long de leurs corps avec les mains, jusqu'a les tenir a la gorge, juste au-dessous de la machoire. Le serpent de mer est capable d'administrer des morsures mortelles; Tom travaillait sur une ile minuscule a une trentaine de kilometres de Noumea; c'est a Noumea que se trouvait le premier hopital; la duree du trajet jusqu'a cet hopital aurait laisser le temps au venin d'achever son oeuvre meurtriere; Tom, au cours de son travail d'observation, a capture quelques douzaines de serpents; les serpents n'aiment pas se faire attraper par la queue; j'ai demande a Tom s'il connaissait des types qui s'etaient fait mordre: ouais, son prof, qui aimait s'amuser avec les serpents. "Les types qui travaillent sur les serpents c'est des fous!", que Tom m'a confie. "Alors toi, tu es fou?", que je lui ai dit. "He moi je travaille pas sur les serpents!" Ah je croyais. Bof.

Pour conclure, laissez-moi vous dire quelques mots sur la beaute de la Nouvelle-Zelande. C'est un petit pays qui est riche en attractions de toutes sortes. Les possibilites d'excursions sont quasiment infinies, autant dans les volcans au nord, dans les Alpes au Sud que sur les falaises qui bordent les deux iles. En Nouvelle-Zelande, on peut faire de la voile, du rafting, du saut a l'elastique, de la plongee et du kayak. On peut skier dans les Alpes et se prelasser sur les plages. On peut contempler les paysages dans lesquels Pipin et Mr. Frodon ont traines leurs grands pieds poilus. On peut partir a la recherche de baleines, de pingouins ou de tous les bizarres oiseaux autochtones.

En Nouvelle-Zelande, il y a 45 millions de moutons et seulement 4 millions de types. Malgre ceci, l'accueil que vous reservent les kiwis est cordial et chaleureux. En Nouvelle-Zelande, on aime parler a son voisin. Les serveuses et les vendeurs demandent generalement a un type comment il va, avant prendre leurs commandes. De plus, le pays est sillone continuellement par une myriade de jeunes etudiants europeens et americains. Beaucoup (en particulier les allemands) profitent des working-travelling visas, limites a une annee, qui permettent d'apprendre l'anglais tout en travaillant dans un pays lointain. Et qui dit jeunes voyageurs, dit beaucoup de rencontres, dit flots moussoneux dans les pubs et auberges de jeunesse! Bon dit aussi mal aux cheveux les lendemains, c'est vrai.

La Nouvelle-Zelande ressemble un peu a l'Irlande par ses paysages verdoyants, un peu a l'Angleterre par son architecture et son climat, un peu a la Suisse par ses montagnes et sa proprete. Mais chez les kiwis, je n'ai pu m'empecher d'avoir le sentiment d'etre loin de tout, isole au milieu de nulle part. Il suffit de jeter un oeil sur un globe terrestre pour avoir le vertige.

La faune de la Nouvelle-Zelande porte les marques de cette isolation. Avant l'arrivee des Maoris, vers 1000 apres Jesus-Christ, le pays n'etait peuple que d'oiseaux. Les mammiferes n'etaient representes que par deux especes de chauve-souris et il n'y avait pas de serpents (peut-etre que St-Patrick est passe par la aussi). Comme ils n'avaient d'autres predateurs que les faucons, beaucoup d'oiseaux ont perdu l'usage de leurs ailes et passent leurs vies sur terre. C'est le cas du kiwi. C'etait le cas du moa, oiseau mythique, autruche geante qui mesurait jusqu'a quatre metres de haut. Le moa a ete extermine par les maoris avant meme l'arrivee des Europeens. Mais beaucoup d'autres oiseaux, a l'image du dodo, ont ete extermine par les blancs et les animaux qui les ont accompagnes: le rat, le chat et l'opossum. Les neo-zelandais sont maintenant extremement conscients de la valeur de leur environnement, certainement plus que beaucoup d'autres peuples terriens. Une enorme partie de leur territoire a ete transformee en parcs nationaux. Les projets de conservation abondent. Beaucoup de neo-zelandais passent leurs loisirs a explorer leur pays a pied, profitant du vaste reseau de sentiers et de huttes alpines.

Evasion


Liberte


Vie

Oui je sais les titres sont kitsch... Ai pas pu m'empecher.

Vieux cachalot

Je me suis toujours demande comment ca marchait, un whale watch. Comment les types ils font pour reperer les baleines, dans l'ocean si vaste? Certes, les baleines sont vastes elles aussi, mais de facon plus modeste. Elles sont un caca de mouche dans l'empire de Poseidon.

Je suis alle voir les baleines au large de Kaikoura, au-dessus de Christchurch dans l'ile du sud de la Nouvelle-Zelande. La-bas, ils procedent de la maniere suivante. Le matin, un petit avion survole les eaux a la recherche des cetaces. Les coordonnes GPS sont transmises aux bateaux, qui croisent dans les eaux proches de l'endroit ou la baleine a ete apercue. Apres leurs plongees, les cachalots remontent a peu pres au meme endroit. On peut les observer confortablement parce qu'ils ne se contentent pas de prendre une bouchee d'air et de replonger, mais restent une dizaine de minutes a se prelasser a la surface, a se reposer, a digerer la poissaille avalee. Evidemment, on ne voit pas grand-chose. Un ti bout de leur dos. On ne peut qu'imaginer la silhouette massive, l'enorme tete rectangulaire, sous les flots. De temps a autre, un jet d'air s'echappe du dessus de la tete. Le seul moment vraiment spectaculaire est la plongee elle-meme. Tout le dos de la baleine ondule hors de l'eau puis l'enorme queue surgit hors des flots, pour aussitot s'enfoncer dans un grand tourbillon. C'est a ce moment-la qu'on est cense prendre les photos. Mais parfois, la baleine s'endort dans son bain et s'enfonce en ronflant dans les flots. Si elle roupille, elle ne montre pas sa queue.

De facon plutot inattendue, le whale watch fut l'occasion pour moi de constater que les fantasques theories geologiques ne sont pas vain mot. La presence meme de ces vieux loups de mer, les cachalots, revele la nature du le relief sous-marin. Les coquins adorent chasser a des profondeurs absolument ridicules, en moyenne 800 metres de profondeur. Si le fonds sous-marin, au large de Kaikoura, n'etait caracterise par un gros trou, un enorme canyon, une abime vertigineuse, le blog d'aujourd'hui afficherait les oreilles d'un pingouin et non la queue d'un cachalot.

Le whale watch a coute une fortune parce que le bateau etait equipe d'un attirail technologique fantastique a reperer les baleines a grosse tete et a nous prouver l'existence du gros trou. En effet, a un kilometre de la cote, le profondimetre s'est affole, il est passe en 30 secondes de 40 metres a 800 metres de profondeur. C'est une sensation absolument formidable de se trouver a cheval entre deux plaques tectoniques: on ne ressent rien du tout, si ce n'est un leger picotement sous la jambe droite, pres du genou, mais cette demangeaison est peut-etre une coindidence. Dans tous les cas, a cet endroit, la plaque pacifique rencontre la plaque australo-indienne. C'est la plaque indienne qui a gagne, l'autre lui glisse sous le ventre. La terre engloutit les roches qui furent les fonds marins. Ce processus s'appelle la subduction, je crois? Mais la plaque australo-indienne ne s'en tire pas indemne. Elle a pris une grosse bosse sur le front, les Alpes du Sud, qui donnent du relief, des glaciers et des perroquets alpins a l'ile du sud.

Ainsi, le canyon susmentionne est le temoin de la tectonique des plaques et le cachalot en est l'apotre imposant. Un cachalot male mesure en moyenne 18 metres. Mais dans le passe, certains specimens ont ete observes qui atteignaient jusqu'a 26 metres de long. Ce sont ces titans qui etaient capables d'attaquer les baleiniers. Plusieurs bateaux ont ete coules par des cachalots, ce n'est pas une legende.

Hormis sa force phenomenale, le cachalot est le detenteur de plusieurs records du monde animal. Par exemple, la plus grosse tete de tous les animaux. Cette tete renferme de grandes quantites de spermaceti, sorte de substance huileuse blanchatre. Tellement blanchatre que les premiers types qui dissequerent des cachalots ont cru que sa tete lui servait de couilles. De la le nom de cette baleine en anglais: spermwhale. Les scientifiques ne se sont toujours pas mis d'accord sur l'utilite de ces grandes reserves d'huile, mais l'une des theories dit qu'elles aident le cachalot a regler sa flottabilite afin de plonger dans les profondeurs. Le cachalot est le recordman du monde de plongee en apnee: certains cachalots ont plonge a plus de 3000 metres de profondeurs et sont restes immerges pendant plus de 2 heures. A cette profondeur, les abimes sont noires comme un espresso florentin. La baleine perce l'encre grace a un radar hyperperformant. Les sons emis par la baleine pour l'echolocation sont tellement forts qu'on soupconne qu'elle les utilise pour assomer ses proies. C'est parait-il le son le plus fort emis par un animal (quatrieme record du monde pour le cachalot). Tellement fort qu'il n'est pas recommande de plonger a proximite d'un cachalot au risque de tomber dans les pommes. Dans ses parties de chasse abyssales, le cachalot s'attaque parfois a un autre monstre des profondeurs, le calamar geant. Nous n'assisterons sans doute jamais a ces combats titanesques. Le calamar geant et ses 15 metres de tentacules n'a ete photographie vivant pour la premiere fois que l'annee passee. Avant cela, la plupart des individus examines avaient ete trouve dans l'estomac de cachalots.