02 avril 2006










De haut en bas. 1. Les pauvres. Les pauvres mecs. Mourir dans la boue, dans une guerre manigancee par des puissances inconnues, a l'autre bout du monde. A son retour, se faire eriger un monument ridicule portant une inscription insultante. Est-ce qu'il y a quelque chose de plus con: "Ils aimaient le devoir plus qu'ils ne craignaient la mort." J'espere seulement pour eux que c'etait pas vrai. 2. Quand on photographie un nuage, on est sur que jamais personne ne photographiera le meme! 3. Cormoranpuscule. 4. Chou arbrisseau. 5. L'oeuvre des lutins. 6-9. Les Alpes du Sud, vues d'Avalanche Peak, pres d'Arthur's Pass.

Tribulations antipodiennes

Voici la longue liste de mes petits bonheurs neozelandais, de mes petites aventures kiwis.

- La fierte d'avoir pris une belle photo de la queue d'une baleine (voir ci-dessous)

- Le bonheur d'avoir assiste a la course semi-aquatique, semi-aerienne de centaines de dauphins(voir ci-dessous).

- Admirer le vol de l'albatros. L'albatros, oiseau enorme, elegant, oublie d'agiter ses ailes et se laisse porter par les vents incessants des 40emes rugissants. Il a fait des mers autrales son royaume: il reste des annees durant sans toucher terre, planant et flottant autour du continent antarctique. Il ne se pose que pour accomplir ses devoirs conjugaux. Une fois les parades nuptiales achevees, l'albatros garde la meme partenaire pendant le reste de son existence. Et l'albatros, comme d'autres especes d'oiseaux marins, a une longue esperance de vie, jusqu'a 50 ans. Son envergure peut atteindre 3,5 metres.

- Jouir, dans une auberge nichee au coeur des Alpes du Sud, de la musique de Leonard Cohen et Neil Young, apres six mois de disette (en Asie, LC et NY n'existent pas).

- Dormir dans un dortoir avec un type qui ronflait de la meme facon que mon meilleur pote quand il est bourre.

- Le premier avril, un gang de lutins malicieux a vole mes meilleures chaussettes. Il parait que les lutins des Alpes arrondissent leurs fins de mois en vendant les chaussettes volees au marche noir. Alors j'ai du entreprendre l'ascension d'Avalanche Peak avec des chaussettes a trous (voir ci-dessus). Les six trous ne m'ont pas empeche d'atteindre le sommet le premier. Non que ce fut un exploit. Mais quand meme, Sir Edmund Hillary a ete concu dans un uterus neo-zelandais. Et puis j'ai eu le bonheur d'avoir dix minutes a moi tout seul pour admirer le panorama (voir ci-dessus aussi). J'avoue avoir glousse lorsque les randonneurs suivants sont arrives, precisement au moment ou un gros cumulonimbus enveloppait le sommet.

- Eh oui, en Nouvelle-Zelande, ils ont appele leurs montagnes les Alpes (officiellement "Alpes du Sud"). Encore une preuve du manque d'imagination des types qui, tout au long de l'histoire, ont ete charges de donner des noms aux endroits et animaux.

- Une anecdote appenzelloise. En route pour la Nouvelle-Zelande, ce type appenzellois que j'ai rencontre a Auckland s'est arrete a Melbourne pour visiter l'Australie. Evidemment, cette histoire serait plus rigolote si je vous disais que c'etait un petit paysan jamais sorti de son Appenzell (Rhodes Interieures) natal... mais je crains que ce fucirconflexet m'ecarter de la verite. Neanmoins je crois qu'il s'agissait bien de son premier voyage outre-mer. Il faisait pluie et il nuitait, ce soir-la, a Melbourne, quand notre suisse-tote est arrive. Il s'est mis en route pour chercher un endroit ou se glisser sous la couette. A peine sorti de l'aeroport, il s'est fait bombarde a coup d'oeufs frais! Le criminel ovipare a lance son attaque a bord d'une voiture qui fila sous les yeux du pauvre appenzellois, humide et desespere pendant sa premier nuit a l'autre bout du monde.

- La rencontre avec deux gros tongiens a Auckland. Ils etaient joviaux. L'un des deux avait les dents couvertes d'une sorte d'appareil argente qui scintillait de tous feux quand il souriait, et ces deux types ne faisaient que sourire, surtout apres m'avoir montre la facon neo-zelandaise de fumer du pot.

Les recettes de l'Octopus: ganja a la neo-zelandaise
On prend une canette vide en metal d'une boisson quelconque. Apres en avoir aplati un cote, on y pratique trois petits trous en un petit triangle; a cote de la surface aplatie, on perce un autre trou un peu plus grand. En tenant la surface plate a l'horizontale, on dispose un peu d'herbe parfumee sur les trois trous. Apres y avoir mis le feu, on porte a sa bouche l'embouchure de la canette. On aspire la fumee tout en bouchant et ouvrant l'arrivee d'air sur le cote, d'un doigt alerte.
A consommer chez soi ou dans la rue, en compagnie d'un pote y dispose.

Le blabla des deux tongiens portait les accents du patois hip-hop des banlieues et etait agremente d'une particularite linguistique hilarante: chaque fois qu'ils finissaient une phrase, les deux mecs haussaient la voix, a l'irlandaise, et couronnaient leur declaration d'un "iih!" melodieux. Ce "iih!" etait ajoute a la facon d'un "man", d'un "tu vois, quoi!" ou d'un "hein!".
Whassup iih? Thats pussy control iih! On my island there's only one road iih! Hihi.

- Aujourd'hui, je me suis surpris a chanter dans un tube en plastique en pataugeant au milieu de l'ocean. C'etait quelque peu absurde. Je n'ai jamais essaye de souffler dans un violoncelle, mais j'imagine qu'on doit ressentir a peu pres la meme chose. Comme c'est courant sous ces latitudes, le Pacifique etait agite et ses eaux etaient glacees, environ quinze degres. Je frissonais malgre ma combinaison et ma cagoule en neoprene. Des que je suis descendu a l'eau, les dauphins sont passes juste en-dessous de moi, a plusieurs reprises, puis se sont eloignes. Moi et mes compagnons se sommes mis a chanter a tue-tete, la tete dans l'eau, pour les faire revenir (il parlait qu'ils aiment les chansons). J'ai entonne la totalite de "La fiancee de l'eau" sans que les dauphins ne s'approchent. Puis j'ai essaye la chanson que j'avais invente dans la jungle, aux Celebes, pour attirer les singes: "Petit singe, montre-toi, sous ta forme la plus belle, petit singe, montre-toi..." Dans l'ocean, avec le tuba, ca donnait: "voli vauphin, monfre-foi, fous fa forme la plus velle...". Ca avait pas marche avec les singes et ca n'a pas mieux marche avec les dauphins. Il m'est alors venu a l'esprit que les dauphins devaient aimer les chansons de marins et j'ai entonne "c'est un fameux trois mats, hisseho...". Mais les dauphins n'etaient pas bretons. On est reste un quart d'heure a chanter dans les vagues. Quand, frigorifies, on est remonte sur le bateau, les coquins dauphins sont reapparus.

Les dauphins qui jouaient avec nos nerfs ne sont pas les memes que ceux qui figurent sur les photos en dessous (ceux-la sont des dauphins communs). Il s'agissait de dauphins d'Hector, appeles aussi cephalorinques a front blanc. Ce sont les plus petits mais aussi les plus rares des dauphins. Il en reste 7000 a l'etat sauvage, uniquement sur les cotes neo-zelandaises. Beaucoup ont peri noyes dans les filets des pecheurs (bin oui, on peut se noyer quand on est dauphin... eux aussi doivent remonter a la surface pour respirer).

Il est inutile de preciser qu'observer ces animaux dans leur habitat naturel est une experience inoubliable... Les eaux glacees du pacifique m'ont fait claque des dents pendant une demi-heure et j'ai mis deux heures a me rechauffer, mais mon bain glace fut recompense. Plusieurs fois, j'ai pu observer les dauphins passer juste au-dessous de moi, sorte d'anges des flots, eblouissants, elegants. L'un d'eux a tourne autour de moi avant de disparaitre dans le bleu. Le dauphin est sensuel, rapide, vigoureux. Il parait aimer le contact avec les hommes, meme quand ils chantent mal. Ou peut-etre est-ce de la curiosite. Ces dauphins etaient totalement sauvages, et ce sont eux qui sont venus nous trouver, au milieu de l'ocean, et non l'inverse!

Cette experience fut tres differente de la rencontre avec les dauphins de l'Amazone, que Regis et moi avons vecu en Bolivie. Je n'ai pas manque d'impressioner mes compagnons avec cette histoire lors du dolphin swim en Nouvelle-Zelande. Cette histoire comporte deux traits qui ne manquent pas de fasciner tout auditoire. Elle est quelque peu incongrue: les dauphins de l'Amazone sont roses et aveugles. Et elle fait peur, parce que la riviere ou nous avons nage etait infestee de crocodiles et de piranhas (les dauphins etaient censes nous proteger des crocodiles. Ca a bien marche, Regis n'a perdu qu'un bras).

Lors du dolphin swim, j'ai eu la chance d'observer des manchots et une otarie. Quel bonheur. L'otarie, c'est un phoque sans oreilles (externes); le manchot, c'est un pingouin qui vit dans les eaux australes. Ce qui prete a confusion, c'est que le manchot est appele penguin en anglais (le nom correct du pingouin en anglais est auk... mais "pingouin" semble etre sur le point d'eliminer ses concurrents directs, en anglais comme en francais). Le manchot que j'ai apercu dans la baie d'Akaroa etait petit et gras avec de jolis reflets bleutes: c'etait un manchot pygmee, le plus petit des manchots. Nous avons aussi observe un manchot des antipodes aux yeux jaunes. Les manchots passent leurs journees a barboter a la surface et a chasser la poissaille. Ils ne rentrent sur la terre ferme que le soir, fourbus de leur longue journee de travail.

- Il m'a ete donne d'observer toutes ces creatures, dauphins, manchots, otarie, pres d'un petit village appele Akaroa, sur la cote est de l'ile sud de la Nouvelle-Zelande. Le capitaine Cook, encore lui, a aborde ici dans la baie d'Akaroa en 1770, le temps pour trois membres de son equipage de se faire devorer par des guerriers maoris qui trainaient dans le coin a chasser le moa. Au siecle suivant, l'endroit ne fut pas colonise par des anglais, mais bien par des francais, debarques sous la conduite du capitaine Le Lievre. Depuis lors, l'anglais a mis la main sur Akaroa, bien sur, mais les habitants se sont efforces de preserver une certaine french touch. Ainsi, les rues sont des rues et non des streets et les magasins portent des noms francais aux consonnances etranges. Le vieux cimetiere est suppose avoir ete ombrage de saules pleureurs a la meme souche que les arbres qui entouraient la tombe de Napoleon a Saint-Helene (il est partout celui-la aussi).

Pour ma part, le seul francais que j'ai rencontre a Akaroa s'appelait Tom. Ce type, fort sympathique au demeurant, met un point d'honneur a garder dans sa poche a toutes heures un morceau de papier sur lequel figure le mot "QUOI". Lorsque quelqu'on prononce les mots "n'importe quoi", Tom sort son papier de sa poche, se fait tout petit et marche en canard en portant le petit papier au-dessus de sa tete. Tom, qui est biologiste marin, revenait de Nouvelle-Caledonie ou il a etudie les serpents de mer. On capture les serpents de mer en les saisissant par le bout de la queue et en remontant le long de leurs corps avec les mains, jusqu'a les tenir a la gorge, juste au-dessous de la machoire. Le serpent de mer est capable d'administrer des morsures mortelles; Tom travaillait sur une ile minuscule a une trentaine de kilometres de Noumea; c'est a Noumea que se trouvait le premier hopital; la duree du trajet jusqu'a cet hopital aurait laisser le temps au venin d'achever son oeuvre meurtriere; Tom, au cours de son travail d'observation, a capture quelques douzaines de serpents; les serpents n'aiment pas se faire attraper par la queue; j'ai demande a Tom s'il connaissait des types qui s'etaient fait mordre: ouais, son prof, qui aimait s'amuser avec les serpents. "Les types qui travaillent sur les serpents c'est des fous!", que Tom m'a confie. "Alors toi, tu es fou?", que je lui ai dit. "He moi je travaille pas sur les serpents!" Ah je croyais. Bof.

Pour conclure, laissez-moi vous dire quelques mots sur la beaute de la Nouvelle-Zelande. C'est un petit pays qui est riche en attractions de toutes sortes. Les possibilites d'excursions sont quasiment infinies, autant dans les volcans au nord, dans les Alpes au Sud que sur les falaises qui bordent les deux iles. En Nouvelle-Zelande, on peut faire de la voile, du rafting, du saut a l'elastique, de la plongee et du kayak. On peut skier dans les Alpes et se prelasser sur les plages. On peut contempler les paysages dans lesquels Pipin et Mr. Frodon ont traines leurs grands pieds poilus. On peut partir a la recherche de baleines, de pingouins ou de tous les bizarres oiseaux autochtones.

En Nouvelle-Zelande, il y a 45 millions de moutons et seulement 4 millions de types. Malgre ceci, l'accueil que vous reservent les kiwis est cordial et chaleureux. En Nouvelle-Zelande, on aime parler a son voisin. Les serveuses et les vendeurs demandent generalement a un type comment il va, avant prendre leurs commandes. De plus, le pays est sillone continuellement par une myriade de jeunes etudiants europeens et americains. Beaucoup (en particulier les allemands) profitent des working-travelling visas, limites a une annee, qui permettent d'apprendre l'anglais tout en travaillant dans un pays lointain. Et qui dit jeunes voyageurs, dit beaucoup de rencontres, dit flots moussoneux dans les pubs et auberges de jeunesse! Bon dit aussi mal aux cheveux les lendemains, c'est vrai.

La Nouvelle-Zelande ressemble un peu a l'Irlande par ses paysages verdoyants, un peu a l'Angleterre par son architecture et son climat, un peu a la Suisse par ses montagnes et sa proprete. Mais chez les kiwis, je n'ai pu m'empecher d'avoir le sentiment d'etre loin de tout, isole au milieu de nulle part. Il suffit de jeter un oeil sur un globe terrestre pour avoir le vertige.

La faune de la Nouvelle-Zelande porte les marques de cette isolation. Avant l'arrivee des Maoris, vers 1000 apres Jesus-Christ, le pays n'etait peuple que d'oiseaux. Les mammiferes n'etaient representes que par deux especes de chauve-souris et il n'y avait pas de serpents (peut-etre que St-Patrick est passe par la aussi). Comme ils n'avaient d'autres predateurs que les faucons, beaucoup d'oiseaux ont perdu l'usage de leurs ailes et passent leurs vies sur terre. C'est le cas du kiwi. C'etait le cas du moa, oiseau mythique, autruche geante qui mesurait jusqu'a quatre metres de haut. Le moa a ete extermine par les maoris avant meme l'arrivee des Europeens. Mais beaucoup d'autres oiseaux, a l'image du dodo, ont ete extermine par les blancs et les animaux qui les ont accompagnes: le rat, le chat et l'opossum. Les neo-zelandais sont maintenant extremement conscients de la valeur de leur environnement, certainement plus que beaucoup d'autres peuples terriens. Une enorme partie de leur territoire a ete transformee en parcs nationaux. Les projets de conservation abondent. Beaucoup de neo-zelandais passent leurs loisirs a explorer leur pays a pied, profitant du vaste reseau de sentiers et de huttes alpines.

2 commentaires:

regnyff a dit…

Juste une remarque à propos de la disette musicale en Asie.. ben oui, t'as écouté du Johnny Cash remixé aux oignons, alors, la question, Neil Young, Johnny Cash ou Léonard Cohen, c'est qui le plus fort ?
Pour ma part, je dirais que j'en sait foutre rien..
Amigo, je te salue de mon bras bionique...

Pendant que j'y suis, durant ton séjour tu n'as pas encore parlé de la pratique des darts.. pourrais-tu lancer une fameuse et furieuse investigation à ce sujet ??

jessi a dit…

that obviously wouldn't have happened if those had been GOLD TOE socks!