24 décembre 2005






Diving on the Gili Islands

De haut en bas: coucher de soleil sur les Gilis. Sur le chemin des iles. Tiboudchou. Vue sur le volcan Rinjani. Gecko, gecko, gecko. Un passione de plongee.

Il y avait un enorme Suedois, flasque et degingande, qui faisait le cours de plongee avec nous. Youri, qu'il s'appelait. Qu'est-ce qu'elle nous a fait rire, cette grande asperge. Par un mystere de la nature, l'instructeur avait beau le lester, ce type ne coulait pas. 13 kilos de plomb, qu'il avait a sa ceinture. Un record. Moi qui fait toute de meme 1.84 m et 72 kilos, je n'avais que quatre kilos a ma ceinture et je coulais comme un caillou. Peut-etre avait-il les os particulierement poreux, ce type, il avait 60 ans.

Mais les problemes de Youri ne s'arretaient pas une fois qu'il avait franchi la surface de l'eau. Au contraire... ses longs membres, mus de facon desordonnees, ne l'empechaient pas de collisioner a tout bout de champ sur les coraux, et ca fait mal les coraux. Quand on faisait des exercices au fond de l'eau, Youri se retrouvait inevitablement le cul par terre, ses jambes demesurees s'agitant frenetiquement devant lui. Ah c'etait d'un comique, pauvre Youri. Mais pauvre de nous aussi, qui devions reprimer nos fous rires a 10 metres sous l'eau. C'est pas facile, de rire dans un detendeur.

Mais je dois avouer que moi non plus j'en menais pas toujours large. Mon probleme principal etait l'exercice de removal of the fucking mask. On devait s'exercer a perdre le masque de plongee sous l'eau, le remettre et le vider de l'eau de mer. Tout ca a 12 metres sous l'eau. A cause de mes lentilles de contact, j'etais force de fermer les yeux quand j'enlevais le masque. Je me retrouvais dans un noir complet, entoure de flotte, sensation plutot etrange. Mais mon probleme residait dans le fait que je ne trouvais pas le moyen de maitriser mes voies respiratoires. Des que j'enlevais le masque, je ne pouvais m'empecher de respirer par le nez, et comme je n'ai pas de branchies ca marchait pas. Alors je toussotais et avalais cette eau de mer ou les poissons baisent dedans, tout en me battant avec mon masque pour l'enfiler sur ma tronche. C'etait pathetique. Peut-etre que Youri s'est foutu de ma gueule aussi, maintenant que j'y pense.

Nous avons fait notre cours de plongee aux Iles Gilis, au large de Lombok. Ces iles correspondent certainement a l'idee qu'on se fait du paradis, nous autres occidentaux. La plus grande des trois iles mesure trois kilometres sur deux, la plus petite fait un kilometre de diametre. Les vehicules a moteurs et les clebs ne sont jamais arrives jusqu'aux Gilis. On se deplace a cheval et a velo. En consequence de l'absence de leur ennemi canin, les chats sont multitude. Et comme la population feline locale a ete confinee aux iles depuis des centaines d'annees, ces katz ont subi une mutation genetique au niveau de la queue, comme les chats de l'Ile de Man. Ils ont tous la queue courte. Les iles accueillent egalement une population importante de geckos, dont les cris sont quasiment surnaturels... ils font penser au couinement des petits jouets en caoutchouc quand on les presse, et ce son ressemble etrangement a leur nom, gecko, gecko, gecko.

Les iles sont entourees de plages de sable blanc et de bancs de coraux. Le climat y est serein, la proximite de l'equateur ne permettant pas au thermometre de descendre au-dessous de 20 degres. Pour accueillir le touriste, une partie de la plage est peuplee de jolis restaurants parsemes de palmiers. On mange son steak de thon ou d'espadon au bord de la mer, en l'agrementant d'un jus de mangue ou de papaye. Le soir, la bintang (biere locale) coule a flot. Certains restaurants servent egalement la specialite locale, le frappe au champignons hallucinogenes... ticket to the moon and back, lautet die Werbung. C'est legal, parait-il. Dommage, je n'ai pas pu l'essayer parce que je plongeais. Et puis, les habitants des iles sont extremement accueillants... les jeunes filles paraissent etre les descendantes des legendaires nephtalines a la peau douce et sucree.

Quels beaux moments j'ai passe sous l'eau, au large des Gilis, quand je ne me battais pas contre mon masque. Des le premier jour, nous avons vu plusieurs tortues qui broutaient paisiblement au fond de la mer. Des sortes de vaches de la mer, les tortues, et qui sont restees inchangees dans leur morphologie depuis 150 millions d'annees. Pour l'histoire de l'homme, il faut enlever trois zeros... Nous avons aussi vu un requin et une raie. Mais le plus beau c'etait le serpent de mer. Le speciment que nous avons observe mesurait au moins deux metres. Il se glissait elegamment entre les coraux et les rochers, ondulant ses annelures noir et argent. Le serpent de mer, comme la tortue, doit regulierement remonter a la surface pour respirer. Il est extremement venimeux, mais n'attaque jamais a moins qu'on lui marche dessus ou qu'on lui chatouille le museau. Notre ami le serpent nous a suivi pendant toute la plongee.

Mon premier sejour sous l'eau etait angoissant. On ne peut s'empecher d'etre quelque peu tendu en s'enfoncant dans les profondeurs. On eprouve la sensation d'etre perdu dans un monde oppressant qui peut nous etouffer. Mais cette impression est vite dissipee. On s'habitue au longues bouffees d'air en boite et on se laisse bientot porter par la fabuleuse sensation d'apesanteur. On est alors suspendu dans l'immensite de l'ocean, dont on sent la puissance qui nous porte. Alors on contemple le spectacle fascinant de la vie sous-marine... Pour ma part, plus que sa beaute, c'est son cote etrange qui m'a fascine. On entre dans un monde qui n'est pas le sien, ou la facon de se mouvoir et les couleurs sont differentes. Un gros coquillage qui se ferme quand on agite la main devant lui. Des petits nemos qui s'agitent dans une anemone de mer. Une grosse eponge a l'allure saugrenue. Il y a aussi un petit cote hostile, en particulier quand on jette un coup d'oeil du cote ou le paroi de corail s'enfonce dans l'abime sombre et apparemment infinie.

Dans un cours de plongee, on apprend egalement des choses interessantes sur sa propre anatomie. On apprend comment notre corps reagit a la pression sous-marine. Comme notre corps est presque entierement constitue d'eau, qui est incompressible, ce ne sont que les cavites qui contiennent de l'air qui posent probleme. En coulant, l'air contenu dans nos sinus et nos conduits auditifs diminue de volume et les parois de ces cavites se retractent. Pour eviter la douleur, on souffle dans son nez en le pincant pour ajouter de l'air dans ces cavites pendant qu'on descend. Quand on remonte l'air augmente a nouveau de volume et s'echappe de nos oreilles. Mais le danger vient avant tout de nos poumons, dans lesquels sont emmagasines de grandes quantites d'air, elles aussi sujettes a d'importants changements de volume. Ainsi, la regle primordiale est: plongeur, ton souffle jamais tu ne retiendras! Si par malheur le plongeur distrait retient l'air dans ses poumons en remontant a la surface, l'air bloque dans ses poumons augmentera de volume et provoquera une surpression pulmonaire, blessure tres grave.

L'autre danger vient de l'azote contenu dans l'air que nous respirons qui, sous la pression de l'eau, entre dans les cellules du corps. Si la remontee est trop rapide, ou si trop de temps est passe a une grande profondeur, le quantite exageree d'azote entrera dans le sang sous forme de bulles, ce qui peut etre egalement tres dangereux.

Le soir, quand je me couchais, j'avais l'impression que la mer avait pris possession de mon ame. Des reminiscences des profondeurs angoissantes et fascinantes hantaient ma somnolence... Je sentais Poseidon prendre la forme de Morphee pour me bercer. Mon sommeil etait agite, il etait bleu, tres fonce. Tous les soirs, je n'avais qu'une envie, retourner au fond de la mer.

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