08 novembre 2005

Voyager en Inde

Voyager 46 heures en bus et en train en trois jours, c'etait une putain d'experience, que je ne regrette pas, bien qu'elle m'ait coute quelques jours de fatigue et une beau refroidissement.

De Diu, tout au sud du Gujarat, province qui forme la petite pointe de terre juste en haut a gauche du grand V du subcontinent indien, a Varanas, il y avait 1500 kilometres a parcourir pour retrouver mon amie d'enfance, Sephalie et ses deux hommes. Pfr, j'ai cru que je n'allais jamais y arriver. Le parcours a ete rendu difficile par le fait que pendant la periode de Diwali, le nouvel-an indien, tous les trains sont pleins. Arrive a Ahmedabad, apres dix heures de bus de nuit, j'ai decide de couper a travers le subcontinent en bus, plutot que d'attendre un train avec une hypothetique reservation. Mais les bus indiens sont une malediction, rouilles et completement denues de suspension, ils detruisent les vertebres les plus coriaces, se faisant complices des milliards de culs-de-poule qui jalonnent les nationales. Ils sont extremement lents... rarement plus que 60 kilometres a l'heure. La journee, on souffre du soleil brulant et de la mauvaise sono qui te tapent sur la gueule... La nuit, impossible de dormir quand on decolle literalement de sa couchette...

Les trains sont beaucoup plus agreables. Ils sont vieux jeux, attachants. Les couchettes sont toujours bleues et les fenetres sont petites et barrees de grosses barres de fer. Les indiens sur les banquettes avoisinantes sont toujours avides de faire la conversation avec vous. Comme ces dix teenagers, dans le train de Jaipur a Ranthambore, au Rajasthan, qui me fixerent de leurs yeux curieux pendant une heure avant de me demander whereareyoufrom? Apres quelques questions preliminaires, ils revelerent leur veritable interet: comment on fait pour avoir une copine? Quels sont les trucs pour seduire? Comment on devient sexy? Je subis un veritable interrogatoire. Dix paires d'yeux rayonnant de curiosite me fixaient lorsque j''essayai de leur donner quelques trucs de vieux roubard a deux balles pour seduire les filles: sentir bon, etre patient, ne pas montrer trop de zele a seduire la fille... Mais il ne voulaient pas comprendre qu'il n'y avait pas de trucs sinon ca se saurait, qu'ils devaient faire leur chemin de croix comme nous tous pauvres types. Bref, on fait des rencontres geniales en train, des types qui n'en veulent pas qu'a ton pognon comme dans la plupart des endroits touristiques.

Mais pour mon trajet de Bhopal a Varanasi, j'aurais voulu miser sur le confort. Mais ce fut l'echec. Les trois premieres heures du voyage, je les fis en troisieme classe, et ce fut oppressant. Je n'avais jamais vu un train aussi bonde. Les passagers qui voulaient descendre devaient se battre avec ceux qui montaient. On est tellement serre qu'on ne peut faire le moindre mouvement. On sait pas ou foutre ses pieds tellement il y a des types partout. L'extreme promiscuite est certainement l'un des elements les plus difficiles a supporter pour le voyageur occidental en Asie en general, et en Inde en particulier. Ici les gens sont habitues a etre colles les uns aux autres, a ne disposer d'une sphere personnelle que tres reduite. C'est particulierement prononce dans les transports publics. Ce voyage en fut une belle demonstration.

Pour les dix-huit heures restantes, je ne pus obtenir une reservation et montai dans un compartiment second sleeper en esperant pouvoir reserver une couchette une fois dans le train. Ce ne fut pas. Je me vis reduit a dormir dans le couloir, pres des toilettes. Dans ces circonstances, on prend son mal en patience et on essaie de s'installer du mieux qu'on peut.... Je m'enfilai dans mon fidele Butterfly H30 et m'allongeai sur mon sac a dos, ecrasant les bouquins, les vetements et les medics qui s'y trouvaient. Je pris mon sac comme matelas en partie par peur de me le faire voler... quand on voyage seul, on ne peut jamais laisser ses affaires sans surveillance. Malgre l'air froid qui soufflait par les portes mal isolees et les odeurs des latrines, je reussis a m'assoupir. Mais mon repos fut interrompu regulierement par les voyageurs qui montaient et descendaient. Je dormis deux ou trois heures de temps. A cinq heures, les passagers se leverent et je fus heureux de voir monter les petits vendeurs de chai. La boisson chaude et sucree me fit du bien et je me mis a observer le va-et-viens vers les toilettes. Les indiens aiment bien se racler la gorge et cracher le matin, mais pas autant que les chinois. Chose etonnante, ils disposent d'un objet etrange, en metal, en forme de V pour se nettoyer la langue le matin. Et puis, j'ai eu droit a une nouvelle demonstration de la flemmardise legendaire des males indiens. A cinq heures, des femmes se mirent a monter et empiler des dizaines de paquets de bois dans le train, certainement pour les vendre dans la bourgade suivante. Les paquets etaient lourds et volumineux mais le travail entier fut accompli par de jeunes filles freles qui portaient le bois sur leurs tetes. Il y avait bien des hommes avec eux, mais ceux-ci se contenterent de leur donner des instructions. En Inde, ce sont les femmes qui bossent, ce n'est pas la premiere fois que je le constate... Elles cuisinent les chapatis et torchent les gosses. Les hommes fument des beedis et discutaillent. Aux mariages, ce sont eux qui dansent et s'amusent, les femmes les regardent...

Je suis arrive a Varanasi epuise. Le rhum que j'ai attrape dans le train me poursuit toujours. En fait il s'est mue en une mechante sinusite que j'essaye de tuer en sniffant du sel.

Encore une petite anecdote sur un voyage en bus. Avant tout voyage dans un vehicule, je me vide la vessie. Cela m'a ete inculque systematiquement par mon cher pere dont c'etait une majeur preoccupation depuis que la vessie d'un de ses potes avaient eclate dans un accident de voiture. Mais ce jour-la, a Jaisalmer, j'avais consomme des litres de flotte parce que j'avais attrape une sorte de fievre du desert due aux longues heures sur mon chameau. Ainsi, apres une heure de parcours a peine, cette pression dans le bas-ventre bien connue se fit sentir. J'esperai un arret du bus dans les plus courts delais, mais le chauffeur poursuivait sa route impunement. Apres trois heures, il n'avait toujours pas fait d'arret, et il semblait qu'il ne stopperait pas jusqu'au lendemain matin. J'etais assez glauque et je n'avais pas la moindre envie d'aller lui demander de s'arreter pour mon pipi. Comme je n'avais rien de mieux a foutre, et que mon imagination divaguait en observant les sombres paysages qui defilaient devant mes yeux fievreux, je me mis a speculer sur un moyen de vider ma vessie. Je dus vite renoncer a me vider en laissant pendouiller mon instrument par la fenetre, le dit instrument ne disposant pas de la longueur necessaire. La solution ne semblait pouvoir venir que de l'objet responsable de mes tourments: la bouteille en pet qui avait contenu le liquide qui maintenant me torturait. Ma position dans le bus etait strategiquement ideale pour un tel projet: J'etais couche seul sur la couchette tout a l'arriere au coin du bus, au-dessus des sieges qui jalonnaient la partie inferieure. Mais l'entreprise etait tout de meme risquee. Les rideaux qui me cachaient aux yeux des autres voyageurs fermaient mal et etaient agites par le vent... A tout moment, le controleur ou un autre type indesirable pouvait apparaitre, devoilant mon crime aux yeux du monde. Et puis, le bus bringueballait sur les culs-de-poule, les depassements intempestifs faisaient pencher le bus, ce qui risquait de renverser le liquide indesirable sur la couchette... Et comment se debarasser de l'urine? Ce probleme me parut insoluble, surtout lorsque je constatai que mon engin presentait un diametre trop important pour l'enfiler dans l'embouchure de la bouteille. Il fallait donc rendre l'ouverture plus large, mais alors, comment fermer la bouteille? Evidemment, ce souci etait sans fondement: il me suffisait de deverser le liquide par la fenetre, elle se deverserait sur le pare-brise du prochain camion.

Je me mis alors a decouper fievreusement la bouteille de mon canif, et quelques minutes plus tard, je pus mettre mon projet a execution. Tout se passa bien. Je dus meme repeter l'observation: il est fascinant de constater que la vessie humaine peut contenir pres de deux litres! Je peux en temoigner. Merci pour votre attention.

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