14 mars 2006

La Papouasie: pas pour cette fois

Fins observateurs que vous etes, vous n'avez pas ete sans omettre remarquer que les photos ci-dessous ne representent point de belliqueux papous a demi-nus, ceci malgre les annonces intempestives de l'Octopus d'etre sur le point de visiter la Nouvelle-Guinee. C'est que ce projet a ete victime des vicissitudes de mon voyage.

Un voyage d'une demi-annee ne se vit pas comme des vacances de quelques semaines. La fougue des debuts, qui s'exprime dans la visite d'un enorme nombre de temples, parcs nationaux et autres, s'etiole par la suite, ettouffee par les instincts sedentaires. Bref, on se lasse de trop bourlinguer. Apres cinq mois a trotter aux quatre coins de l'Asie, des neiges de l'Himalaya aux profondeurs de la mer des Celebes, l'Octopus avait besoin d'une cahute ou reposer ses tentacules fatiguees. Tel un vieux chalutier rouille qui a passe trop longtemps en mer, il a decide de jeter ancre dans un port accueillant pour lecher ses plaies. De fraiches forces, des jarrets reposes lui seront indispensables pour la derniere partie de son voyage a SydnezAucklandFidjiSanFranciscoMontreal.

Malheureuse victime de mon besoin de repos: la Papouasie, destination mystique.

Il est vrai que d'autres facteurs ont inflechi ma determination a aller visiter les farouches papous. Le temps a disposition avant mon vol pour Sydney (une quinzaine de jours) ne suffisait pas pour un pays comme la Nouvelle-Guinee, ou les transports sont intermittents, la jungle impenetrable et la langue obscure a mes oreilles. Ceci d'autant plus que j'aurais du attendre quatre jours pour obtenir un visa du consulat de Papouasie Nouvelle Guinee a Jayapura. D'autre part, la personne a laquelle je comptais rendre visite, ex-voisin prevotois missionaire dans un village papou, etait par malchance absent de sa station pendant la periode a laquelle je comptais voyager.

Troisieme obstacle, la Papouasie indonesienne est actuellement sujette a des troubles politiques, dus aux circonstances suivantes. Une entreprise americaine, Freeport, exploite une mine d'or en Papouasie, pres de Timika. La population voisine de la mine, qui vit dans une extreme pauvrete, arrondit ses fins de mois en cherchant des pepites dans les dechets rocheux rejetes par la mine. Or, Freeport, qui affirme que cette pratique est illegale et "dangereuse", a interdit l'acces du depot de dechets aux tribus. Les forces de securite de la mine ont alors ete confrontee a l'ire des autochtones. Deux hommes ont ete touches par des fleches. Sur la demande de Freeport, Jakarta a envoye un bataillon pour proteger la mine. Apres cela, les manifestations se sont multipliees a Jayapura et a Jakarta. Les manifestants demandent la modification du contrat signe entre le gouvernement indonesien et la compagnie americaine pour l'exploitation de la mine. C'est un scenario qui se repete dans les pays du tiers-monde riches en matiere premiere: la compagnie etrangere graisse la patte du gouvernement pour exploiter les mines, privant la population locale des richesses de ses terres... Dans le cas de Freeport, ceux-ci ne laissent meme pas les miettes de leurs dechets aux autochtones.

Pour en revenir a mon voyage... J'avoue que la tentation de rester quelques jours de plus en Indonesie a savourer des kreteks a ete pour quelque chose dans ma decision. Pipin, la jeune fille qui hume une fleur sur le blog du ... n'est pas non plus totalement etrangere a ma decision.
Ainsi, je vaque a Jogja, Java. Sur ma Honda, je sillone dans la ville en me faufilant entre les controles de flicaille (j'ai pas de permis de moto). Quelques jours a chevaucher une moto dans les rues d'une ville bourdonnantes de trafic est le meilleur moyen de prendre le pouls de l'Asie du Sud-Est. Le soir, je suis le scooter de Pipin a travers les ruelles. Gourmette incorrigible, elle me mene dans les meilleurs restaurants de rue de la ville. On s'accroupit sur des nattes en osier sur le macadam et on mange avec les mains, du canard frit a la poudre de coco ou du poisson grille avec plein de piment dessus. La journee, quand je suis pas a ecrire sur le blog, je fais du shopping et je me prelasse dans la piscine de mon hotel. Je suis alle visiter encore une fois les temples environnant, Borobudur et Prambanan, avec mon papa, qui est venu me rendre visite de la Malaisie.

Evidemment, le regret m'envahit quand je pense a ce que j'ai manque, cette Papouasie qui fait saliver mes instincts de globe-trotter. Mais ce n'est que partie remise... je compte bien conquerir cette terre qui m'a echappe des que l'occasion s'en presentera... Peut-etre dans 6 mois, peut-etre dans 10 ans, peut-etre dans 20 ans.

L'histoire de la Papouasie

Mais laissez-moi vous compter pourquoi la Papouasie me fascine, me fascine comme Faye Dunaway dans Arizona Dream: "Si tu prononces encore une fois les mots: chez les Papous, je ne repond plus de rien! " C'est quand ils sont a table, la fille s'acharne a lacher ses tortues sur la table pendant que la mere radote sur les habitudes des papous. Quand la mere repete: "Chez les Papous, chez les papous, chez les papous!!", la fille tente de se pendre avec ses bas au lustre de la salle a manger.

La Papouasie est la deuxieme plus grande ile du monde, pourtant peu de gens savent ou elle se trouve. C'est certainement l'une des regions les plus meconnues et inexplorees au monde. Politiquement, historiquement, il en est alle ainsi de la Papouasie. L'ile fut colonisee il y a plus de quarante mille ans par un peuple aux memes origines que les aborigenes d'Australie. Les peuples asiatiques qui coloniserent l'Indonesie il y a quelques milliers d'annees ne reussirent pas a s'implanter en Papouasie, parce que leurs cereales et autres plantes de cultivation n'etaient pas adaptees aux hauts plateaux de l'ile. C'est pourquoi, encore aujourd'hui, la Papouasie est peuplee par une ethnie entierement differente de celles rencontrees dans l'archipel. Lorsque les Europeens se mirent a imperialiser le monde, l'ouest de la Papouasie fut soumise au joug hollandais, tandis que la moitie orientale etait colonisee par l'Allemagne et l'Angleterre. Cependant, l'influx de colons europeens est reste tres modere. Cela est du a la malaria qui a tue une bonne partie des courageux qui ont tente de s'y etablir.

L'est de l'ile est maintenant independant, formant la Papouasie Nouvelle Guinee, dont le chef d'etat est la reine d'Angleterre, comme en Australie. L'Indonesie s'est emparee de l'autre moitie de l'ile en 1969 au moyen d'une honteuse fraude electorale, etouffant par la suite les mouvements independantistes par une repression sanglante (j'ai lu que 200'000 personnes ont ete tuees par l'armee indonesienne dans ce combat).

La Papouasie est celebre pour ses tribus sauvages et anthropophages, qui "vivent encore a l'age de pierre". Cela merite une explication, et si je peux vous la donner, c'est parce que j'ai lu "Guns, germs and steel" de Jared Diamond, que je conseille avec enthousiasme a toute personne qui s'interesse aux details passionant de l'histoire humaine (par exemple, ce livre explique pourquoi les lettres sont disposees comme elles le sont sur nos claviers d'ordinateurs et pourquoi les 150 conquistadors de Pizarro ont mis en deroute l'armee d'Atahualpa a Cajamarca, forte de 80'000 guerriers). Voila: bien que les populations humaines de Papouasie se soient mises il y a fort longtemps a cultiver des plantes pour se nourrir, elles n'ont jamais reussi a en cultiver de facon suffisante. Cela est du au fait qu'il n'existe que tres peu de plantes sauvages, en Papouasie, qui sont adaptees aux besoins de la cultivation. De plus, les papous n'ont pas pu adopter les cereales cultivees par les autres peuples d'Asie du Sud-Est, car celles-ci sont inadaptees au climat local (la plus grande partie de l'ile se trouve en haute altitude). Donc, pas de riz, pas de ble, pas de mais. Les tribus papoues n'ont pu que completer leur alimentation par la cultivation de taro et de patates douces. Mais elles ont du continuer a chasser pour l'essentiel de leur diete. L'anthropophagie decoule en grande partie des carences en proteine de la population. Cette pauvrete en nourriture explique egalement que la population papoue n'a jamais connu d'explosion demographique, ce qui a empeche la formation de societes plus complexes et a eu pour consequence que les papous sont toujours organises en tribus. Du coup, ni ville, ni royaumes en Papouasie; ni ecriture, ni metallurgie, qui necessitent une societe complexe qui puisse nourrir des personnes passant leur temps a autre chose que la recherche de nourriture.

Notez qu'une explication similaire s'applique aux aborigenes d'Australie qui chassaient et cueillaient toujours lorsque Cook arriva sur les cotes australiennes. J'aime ces explications qui discreditent les theories racistes qui pretendent que certains peuples n'etaient pas assez futes pour developper une "civilisation digne de ce nom".

Les langues

Pour en venir aux faits: la structure de base de la population papoue est toujours la tribu, groupe d'une centaine de personnes. Ces tribus vivent sans contacts, ou presque, les unes avec les autres, separees qu'elles le sont par la jungle impenetrable, de hautes montagnes et de vastes etendues marecageuses. Cela explique la richesse linguistique monumentale de la Papouasie. Le recensement de ces langues n'est, semble-t-il, pas encore acheve, parce que les chiffres oscillent, selon les livres, entre 500 et 1000 langues pour la totalite de l'ile. Il faut preciser qu'il ne s'agit pas de differents dialectes qui se ressemblent, mais bien de langues bien distinctes, souvent sans aucune ressemblance!

L'anthropophagie

Je ne crois pas qu'il existe encore des tribus cannibales en Papouasie. Quoi qu'il en soit, a l'epoque de l'anthropophagie, celle-ci n'etait pas pratiquee en tant que "chasse a l'homme"; c'est-a-dire, on n'allait pas chasser les types de la tribu d'a cote pour se nourrir. Mais lorsqu'une guerre avait lieu (elles etaient frequentes), on mangeait les guerriers ennemis tues au combat. D'autre part, certaines tribus avaient pour coutume de manger les personnes qui mourraient dans la famille. Selon la tradition, on gardait ainsi l'energie de la personne decedee dans son corps. Je trouve que c'est une belle idee.

La nature

La jungle papoue est la plus grande foret tropicale du globe apres l'amazonie. Elle couvre un pays montagneux. La plus haute montagne de l'ile atteint cinq mille metres d'altitude. Positionee juste au-dessous de l'equateur, la Papouasie accueille de la neige sur ses sommets! Comme la Papouasie faisait autrefois partie du continent australien avant d'en etre coupee par un bras de mer, sa faune est . Les forets sont peuples de marsupiaux, de kangourous des arbres et de casoars. L'espece la plus connue est l'oiseau de paradis; les cotes sont hantes de crocodiles de mers et les forets infestees de 800 especes d'araignees. Encore a l'heure actuelle, des nouvelles especes de mammiferes et d'oiseaux sont decouvert dans les reculees des montagnes papoues.

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